Ce sont des commentaires parfois extrêmement désobligeants, mais qui donnent une petite idée de la manière dont s’est déroulée la certification du 737 Max et de la façon dont les salariés de Boeing percevaient l’avion et les orientations prises par le constructeur aéronautique. Des réactions qui remontent parfois à 2014, et qui viennent d’être lâchées sur la place publique. Ces échanges ont été transmis en décembre au Sénat et à la FAA, l’autorité chargée du contrôle de l’aviation civile aux USA.
Aujourd’hui publiés par la presse, ces extraits de communication soulignent un peu plus les insuffisances dans la conception de l’appareil — qui a connu deux accidents tragiques en 2018 et 2019, faisant 346 victimes en tout — et son homologation. L’un des employés confie par exemple avoir le sentiment qu’il n’a « toujours pas été pardonné par Dieu pour la dissimulation » faite un an plus tôt, au sujet d’une transmission d’information à la FAA, selon un message datant de 2018.
Des messages sanglants pour Boeing
Parmi les autres interventions les plus emportées figure un message de 2017 qui estime que « cet avion est conçu par des clowns, qui sont à leur tour supervisés par des singes ». Un autre demande à un collègue s’il mettrait sa famille dans un avion Max testé sur simulateur, en faisant savoir que, lui, ne le ferait pas. Réponse de l’interlocuteur : « non ». Et l’on ne parle ici que du simulateur. On devine qu’ils n’auraient pas non plus conseillé à leurs proches de monter dans un vrai 737 Max. C’est dire la méfiance qui régnait en interne.
La publication de ces messages a conduit Boeing à réagir dans un communiqué de presse pour limiter autant que possible les dégâts que ces remarques auront sur son image de marque, déjà dans un piteux état. « Les activités de qualification mentionnées dans ces échanges ont eu lieu lors des débuts de ces simulateurs », explique par exemple le géant de l’aéronautique, tout en faisant remarquer que ce « langage provocateur […] ne reflète pas l’entreprise et est tout à fait inacceptable ».
Ces propos et les sentiments rapportés « ne sont pas conformes aux valeurs de Boeing, et la compagnie prend les mesures appropriées en conséquence », poursuit le communiqué. Il est question de mesures disciplinaires, non précisées, à l’encontre des salariés en cause qui devraient déclenchées à l’issue de l’enquête. L’entreprise, qui ne manque évidemment pas de présenter ses excuses à tout le monde, assure avoir redressé la barre qu’un tel épisode ne se reproduise pas.
Si les discussions par e-mail et les conversations sur messagerie instantanée doivent être lues avec un minimum de distance, dans la mesure où il n’est pas rare que le ton employé soit plus décontracté, voire excessif, y compris au sein de l’entreprise, que dans d’autres échanges plus formels, elles devraient néanmoins affecter un peu plus les relations de Boeing avec la FAA et, surtout, compliquer la phase de reconstruction de la confiance avec le public, pour qui le 737 Max fait désormais peur.
Dans l’histoire de l’aviation civile, le 737 Max apparaît aujourd’hui comme l’une des plus graves crises traversées par un avionneur. Depuis la double catastrophe aérienne, l’avion est cloué au sol dans le monde entier et il ne dispose toujours d’aucun calendrier, même approximatif, annonçant son retour opérationnel. La crise a fait tomber Dennis Muilenburg, qui était jusqu’en décembre le PDG de Boeing, conduit le groupe à suspendre la production et affaibli la relation de confiance avec l’Europe.
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