Aux États-Unis, le film Avengers : Infinity War est arrivé dans le catalogue de Netflix le 25 décembre 2018, soit à peine huit mois après sa sortie en salles. En France, il faudrait attendre quasiment cinq fois plus longtemps pour que le blockbusters soit disponible sur une plateforme de vidéo à la demande par abonnement (SVOD). Mais cela pourrait, un jour, changer.
La chronologie des médias est une loi spécifique à la France qui fixe de grandes contraintes à la diffusion en deuxième fenêtre d’une œuvre, justifiant une exception culturelle à la française motivée par des besoins de financement des œuvres. Début 2019, une nouvelle version de la loi a entériné quelques nouveaux amendements, mais les plateformes de SVOD sont toujours mal loties. Si elles n’ont pas investi dans la création, la fenêtre de diffusion reste ainsi de 36 mois, soit 3 ans à attendre pour un film comme le dernier Avengers, par exemple.
C’est le même constat pour les films que Netflix produit aujourd’hui, mais refuse de sortir en salles car il se couperait ainsi de la possibilité de diffuser ses propres longs-métrages sur sa plateforme pendant des mois. C’est d’ailleurs l’un des aspects au cœur du conflit entre Netflix et le festival de Cannes, et qui dure depuis des années.
Une transformation « avec Netflix »
Mais ce vendredi 17 janvier 2020, Franck Riester a ouvert grand la porte à une nouvelle voie. Le ministre de la Culture a prononcé un discours élogieux et rassurant au cours de l’inauguration des nouveaux locaux de Netflix en France, où la plateforme emploie une quarantaine de personnes, auquel Numerama a assisté.
« Je pense qu’il serait logique que des nouveaux diffuseurs comme Netflix puissent négocier, dans cette chronologie, une fenêtre qui reflette réellement leur contribution au pré-financement des œuvres », a-t-il annoncé. « C’est donc une transformation d’ensemble du modèle de financement de la création que nous abordons aujourd’hui (…) Cette transformation, nous ne la ferons évidemment pas contre Netflix, mais avec Netflix. Avec les plateformes, mais en particulier avec Netflix.»
Le ministre a confirmé savoir que la chronologie des médias « cristallise un équilibre extraordinairement subtil », mais que des modifications pouvaient aller dans le sens du géant américain, si tant est que celui-ci investisse dans la production française. Le gouvernement aimerait d’ailleurs que les plateformes comme Netflix et Amazon investissent 25 % de leur chiffre d’affaires annuel dans la création.
Du côté de Netflix, l’objectif semble partagé : la multinationale prévoit 20 projets français (documentaire, film, série et nouvelles saisons inclues) rien que pour l’année 2020.
Il faut dire qu’avec 6,7 millions d’abonnés, la France est l’un des pays européens avec le plus gros ratio d’abonnés — un Français sur 10 a désormais un compte payant à Netflix, et plus du double a déjà regardé Netflix au cours des 12 derniers mois. C’est une région cruciale pour la plateforme de SVOD, qui sait que c’est à l’international qu’elle a la plus grosse marge de croissance de nouveaux abonnés. Aujourd’hui, elle compte 158 millions de « membres », comme les équipes françaises les appellent, payants dans le monde.
« On fait des contenus français pour nos abonnés français », a d’ailleurs souligné Damien Couvreur, directeur des séries françaises chez Netflix, au cours d’une table ronde organisée plus tôt dans la journée de vendredi dans les locaux de l’entreprise. Et de mentionner l’exemple de Family Business, la série française lancée en juin 2019, qui aurait été vue à « 50 % en France et à 50 % à l’étranger ».
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