Empêtré dans la crise du 737 Max depuis le printemps 2019, Boeing fait face à un nouveau problème : une enquête sur un accident survenu dix ans plus tôt, avec un 737, révèle des similitudes avec la situation actuelle.

C’est une enquête très embarrassante pour Boeing que publie le New York Times, dans son édition du 20 janvier 2020. Alors que le constructeur aéronautique est empêtré depuis près d’un an dans la crise du 737 Max, c’est maintenant une vieille affaire qui remonte à la surface et qui pourrait discréditer un peu plus l’entreprise, dont la réputation est déjà très dégradée à cause des deux accidents aériens, survenus en octobre 2018 et mars 2019, et les raisons pour lesquelles ils ont eu lieu.

Le quotidien américain a mis la main sur un rapport resté secret et rédigé par un expert en sécurité aérienne. Il ne porte pas sur le 737 Max, mais sur un autre appareil, le fameux 737, son prédécesseur. Dans ce document, c’est la responsabilité de l’avionneur qui est mise en cause dans un accident survenu en 2009 et dont les caractéristiques ressemblent, rétrospectivement, aux spécificités des deux crashs qui ont cloué au sol le 737 Max et ont coûté la vie à 346 personnes.

Boeing 737 MAX avion

Un Boeing 737 MAX en manoeuvre.

Source : Nathan Coats

Un crash dans un champ

Rappel des faits. Le 25 février 2009, le vol 1951 Turkish Airlines décolle d’Istanbul pour rallier Amsterdam. À son bord se trouvent 128 passagers et 7 membres d’équipage. Le vol se déroule bien jusqu’à proximité de l’aéroport, mais dans la phase d’approche, le 737 décroche à 1,5 kilomètre de la piste et à 700 mètres d’altitude. L’avion termine alors sa course dans un champ, se brise en trois morceaux et occasionne la mort de 9 personnes, essentiellement à l’avant de l’appareil.

À l’époque, l’analyse conduite par le Bureau d’enquête pour la sécurité au niveau des boîtes noires avait pointé des irrégularités lors de la descente de l’aéronef. À près de 700 mètres d’altitude, « l’altimètre gauche a subitement indiqué un changement d’altitude qu’il a transmis au système de pilotage automatique qui avait été enclenché pendant l’atterrissage », a expliqué le patron du Bureau. L’anomalie de l’altimètre n’avait pas été relevée par l’équipage, déjà accaparée par d’autres tâches.

Des conclusions orientées

L’histoire aurait pu s’arrêter là. Mais plus de dix ans après les faits, les éléments rapportés par le New York Times viennent apporter un éclairage un peu différent des conclusions du Bureau d’enquête pour la sécurité. Celui-ci a en effet concentré les reproches sur les pilotes — tous morts dans le crash — qui, selon les enquêteurs néerlandais, n’auraient pas réagi correctement, alors que c’est l’un des systèmes automatisés du 737 qui n’a pas bien fonctionné et entraîné la chute de l’appareil.

Ce n’est pas tout. Dans son enquête, intitulée « Comment la responsabilité de Boeing dans un crash fatal a été enterrée », le journal, en s’appuyant sur les travaux de l’expert aérien et sur des déclarations du constructeur, écrit que l’entreprise a tenté de détourner l’attention en exhortant les pilotes à être plus vigilants, pour que l’on ne s’intéresse pas à ses « défauts de conception » et autres erreurs. Plus préoccupant encore, il est dit que les Américains ont fait pression sur les Néerlandais pour préserver Boeing.

Les décisions prises par l’avionneur américain, en particulier en ce qui concerne les choix de conception, qualifiés de risqués, et les évaluations de sécurité erronées, ont joué aussi un rôle dans l’accident. Or, poursuit le quotidien, le Bureau néerlandais a soit exclu, soit atténué les critiques à l’encontre du constructeur dans son rapport final, après le holà de représentants américains, incluant du personnel de Boeing ainsi que des membres des autorités fédérales.

Pour l’expert qui avait été sollicité à l’époque, et interrogé depuis par le New York Times, ce crash « représente un tel évènement sentinelle précoce qui n’a jamais été prise au sérieux ».

Le destin du 737 Max aurait-il pu être différente si cet accident de 2009 avait été traité autrement ? On ne refait pas l’histoire. Mais, comme le relèvent nos confrères, l’atténuation manifeste des critiques à l’égard de Boeing dans ce crash-ci « s’inscrit dans un schéma plus large […] selon lequel la compagnie bénéficie d’une approche légère de la part des responsables de la sécurité ». Et si Boeing a réussi à passer entre les gouttes en 2009, il a fini par être rattrapé par ses fautes dix ans plus tard.

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