Emmanuel Macron l’a dit il y a huit mois de cela, alors que l’Assemblée nationale venait d’adopter quelques semaines plus tôt une loi sur la sécurité de la 5G : contrairement aux États-Unis et à quelques autres pays, il n’est pas question d’interdire à Huawei de proposer ses équipements aux opérateurs télécoms qui vont déployer un réseau 5G en France. Cependant, lui et tous les autres fournisseurs devront se conformer à un cadre réglementaire strict, en fonction des impératifs de sécurité nationale.
Malgré ces assurances présidentielles, Pékin semble craindre une mise à l’écart forcée de Huawei du marché français de la 5G. C’est ce qui a poussé l’ambassade de Chine en France à prendre publiquement la parole le 9 février pour partager ses inquiétudes, nourries, dit-elle, par des « reportages récents dans plusieurs médias français selon lesquels les autorités compétentes françaises envisageraient de prendre des mesures restrictives contre Huawei ».
Ces restrictions seraient aussi bien géographiques (les équipements 5G de Huawei ne seraient pas autorisés dans des « dizaines de grandes villes françaises ») qu’administratives (la durée de validité de l’autorisation accordée à Huawei serait « nettement plus courte » que celle attribuée à d’autres, en particulier à ses concurrents européens, Nokia et Ericsson). Dès lors, l’ambassade se dit « profondément choquée et inquiète » des risques de discrimination à l’égard de l’équipementier chinois.
« Il est un fait reconnu de tous que Huawei possède des avantages considérables tant sur les plans de la technologie, du coût que du marché », observe l’ambassade, allant même jusqu’à évoquer un net appétit des opérateurs français pour ce que propose le champion des télécoms chinois. « La plupart des opérateurs français veulent coopérer plus avec Huawei dans le déploiement des réseaux 5G », assure le porte-parole, même si dans les faits la réalité est bien plus nuancée.
Aujourd’hui, deux des quatre opérateurs ont dévoilé leurs cartes sur leurs partenaires industriels. En septembre, Free a fait savoir que son réseau 5G utilisera les équipements de Nokia, les deux entreprises étant partenaires depuis 2010. Fin janvier, Orange a annoncé se reposer sur Nokia et Ericsson. SFR et Bouygues Telecom n’ont pas encore pris la parole à ce sujet, mais ils devraient partiellement faire appel à Huawei, les deux opérateurs faisant déjà appel à ses produits pour leurs installations actuelles.
La Chine assure comprendre « parfaitement les préoccupations de la part d’un pays souverain », mais se demande sur quelles preuves les inquiétudes actuelles se fondent, car, clame-t-elle, les produits du groupe n’ont jamais été pris en défaut sur ce plan — même si des preuves existeraient en ce sens selon la presse allemande. Pékin rappelle d’ailleurs que la compagnie s’est même proposée à signer un « accord de non-espionnage » avec les capitales volontaires, mais l’initiative a été ignorée.
La France s’organise pour se protéger
Depuis 2019, la France s’est dotée d’une législation qui impose un « régime d’autorisation préalable, fondé sur des motifs de défense et sécurité nationale », pour tous les matériels installés depuis février dernier. C’est au Premier ministre qu’il revient de dire « s’il existe un risque sérieux d’atteinte aux intérêts de la défense et de la sécurité nationale » avec tel produit ou tel logiciel. Pour cela, il dispose de l’appui des services de l’État, dont l’ANSSI, qui joue un rôle de cyber-garde du corps.
L’un des leviers dont dispose l’administration s’avère être l’arme du silence : pour éviter de froisser trop directement la Chine — qui est un partenaire économique de tout premier plan et qui pourrait aussi prendre des mesures en représailles — tout en disposant d’un moyen d’action, les services de l’État peuvent tout simplement garder le silence sur une demande d’autorisation ou de renouvellement un certain, ce qui a pour conséquence de la rejeter automatiquement, sans avoir à se justifier.
Dans les faits, si Huawei a la possibilité de participer à la construction des réseaux 5G en France, il ne pourra en principe ni positionner ses équipements dans les parties les plus centrales — et donc les plus critiques — ni les placer dans certaines zones sensibles du territoire, à proximité des lieux de pouvoir, des bases militaires ou de tout autre endroit ayant une valeur stratégique. Sa part dans chaque réseau d’opérateur devrait par ailleurs être limitée à un certain seuil.
Pour Pékin, toute différence de traitement selon le pays d’origine « constituera une discrimination patente et un protectionnisme déguisé ». « Cela va à l’encontre des principes de l’économie de marché et du libre commerce », ajoute l’ambassade, avant de glisser une mise en garde : si la France et d’autres pays européens se livrent à de la discrimination et du protectionnisme contre Huawei, ils doivent s’attendre à voir « le développement des entreprises européennes dans le marché chinois affecté ».
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