Les coulisses du web connaissent décidément une période bien agitée depuis quelques mois. Alors qu’une controverse importante entoure la gestion du domaine « .org », qui devait passer entre les mains d’une entreprise à but lucratif après avoir été administré par une organisation qui ne l’était pas, voilà que c’est au tour d’un autre domaine, plus important encore, d’être percuté par une polémique.
Ce domaine, c’est le « .com », diminutif de commercial. Lancé en janvier 1985 et destiné au départ aux activités mercantiles, il a par la suite été autorisé à servir à autre chose — voilà pourquoi on le retrouve aujourd’hui dans les adresses utilisées par Météo-France, le site des Oscars ou encore le réseau social culturel Sens Critique. C’est l’entreprise américaine VeriSign qui a actuellement la gestion de ce domaine.
Or, c’est justement la façon dont VeriSign pourrait gérer le « .com » à l’avenir qui cause un net raffut dans l’arrière-boutique du net. Dans le cadre d’une consultation conduite par l’ICANN (la société pour l’attribution des noms de domaine et des numéros sur Internet), qui se termine le 14 février, il existe un risque de voir augmenter le prix que coûte l’achat d’une adresse utilisant le domaine « .com ».
Renégociation annoncée en 2016
Le problème est le suivant : pour exploiter ce domaine, VeriSign est tenu par deux contrats distincts. Le premier est le contrat de registre « .com » et le second est un accord de coopération entre VeriSign et le département du Commerce des États-Unis — qui était autrefois l’organisme de tutelle de l’ICANN, avant que le contrat les liant n’expire en 2016.
Or, c’est au cours de cette même année que VeriSign et l’ICANN conviennent qu’il faudra inclure les éventuels changements qui pourraient être introduits entre VeriSign et le département du Commerce, dans le cadre de leur accord de coopération. Cette perspective se concrétise deux ans plus tard, en octobre 2018. La révision de ce deal survient et décision est prise de le prolonger.
Ce prolongement se traduit par un amendement dans lequel figure la question d’une « une flexibilité de tarification basée sur le marché ». Il s’agit en fait de faire sauter un gel tarifaire mis en place par l’administration Obama, sous l’impulsion de l’administration Trump. La NTIA (National Telecommunications & Information Administration), qui dépend du département du Commerce, a approuvé trajectoire.
« Ces modifications sont conformes aux priorités politiques de l’administration Trump »
« Ces modifications sont conformes aux priorités politiques de l’administration Trump », lit-on dans le communiqué de la NTIA de novembre 2018. « L’amendement abroge les contrôles de prix de l’époque d’Obama et donne à VeriSign la flexibilité de prix pour modifier son accord de registre avec l’ICANN afin d’augmenter les prix de gros du domaine », poursuit l’agence.
« Plus précisément, cette flexibilité permet à VeriSign de poursuivre avec l’ICANN une augmentation allant jusqu’à 7 % des prix des noms de domaine en ‘.com’, pour chacune des quatre dernières années de la durée de six ans de l’accord de registre », est-il ajouté. Le fait est que la première période de six ans a démarré le 26 octobre 2018. Cela signifie qu’il pourrait y avoir une hausse à partir du 26 octobre 2020.
Aujourd’hui, indique l’ICANN, le prix de gros maximal pour un nom de domaine en « .com » est de 7,85 dollars. Celui-ci pourrait donc passer à 8,39 dollars le 26 octobre 2020 et ainsi de suite, avec toutefois un plafond qui serait atteint à 10,26 dollars, plafond qui ne pourrait être franchi jusqu’au 26 octobre 2026. Cela représenterait une hausse de 2 dollars. Mais est-ce que c’est ce que les internautes paieront ?
Ce n’est pas dit. Comme le pointe The Verge, les entreprises vendant des noms de domaine aux internautes appliquent des grilles tarifaires différentes, qui peuvent être plus ou moins élevées que ce montant. Toutefois, il est évidemment plausible que toute hausse de prix finisse par être répercutée au niveau des sites, puisque c’est ce prix que les bureaux d’enregistrement doivent payer pour proposer le « .com ».
Impuissance de l’ICANN
Dans cette situation, l’ICANN apparaît comme ayant les pieds et les poings liés. « L’ICANN n’est pas un régulateur des prix et s’en remet au département du Commerce et au département de Justice des États-Unis pour toute décision concernant la régulation de la tarification des services de registre », déclare la société dans un communiqué daté de janvier 2020.
Elle ne peut que se féliciter d’une part que VeriSign n’a pas le pouvoir de fixer le prix de détail du « .com » (c’est-à-dire le prix à payer les personnes voulant utiliser ce domaine) et d’autre part l’existence d’un plafond pour le prix de gros. Cette impuissance a été rappelée indirectement par l’ICANN dans un commentaire se plaignant qu’on lui attribue une partie de la responsabilité de la situation actuelle.
Officiellement, cette évolution vise à s’adapter à un marché des noms de domaine qui est « est devenu plus dynamique ». Une libéralisation des noms de domaine a en effet eu lieu, et il existe une ribambelle de domaines de premier niveau. Il y en a de plusieurs sortes (pour les pays, sponsorisés, d’infrastructure), mais les domaines génériques sont largement les plus nombreux : on en dénombre des centaines.
Pour l’administration Trump, il va de l’intérêt général que VeriSign et l’ICANN conviennent d’amender le contrat pour permettre une hausse du prix. Mais il apparaît aussi que cette décision vise à détricoter un peu plus ce qui a été décidé par l’administration Obama. La présidence actuelle suit une politique constante qui semble n’avoir que pour seul horizon l’effacement politique de son prédécesseur.
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