« Coupable d’ententes au sein de son réseau de distribution et d’abus de dépendance économique ». Telle est la conclusion à laquelle vient de parvenir l’Autorité de la concurrence lundi 16 mars, en analysant les pratiques d’Apple depuis 2005, mais aussi celles de ses deux grossistes, Tech Data et Ingram Micro. En conséquence, décision a été prise de les sanctionner. Et lourdement.
C’est ce que révèle le communiqué publié ce jour par l’institution. Ingram Migro se voit infliger une sanction de près de 63 millions d’euros, tandis que Tech Data a été sanctionné à hauteur de 76 millions d’euros. Mais des trois entreprises punies, c’est Apple qui se prend la peine la plus élevée, qui tient compte des faits, de sa surface financière et de son poids dans la tech. La firme de Cupertino devra régler 1,1 milliard d’euros.
Jamais un acteur économique n’avait été confronté à une sanction si lourde de la part de l’Autorité de la concurrence. Un record qu’explique sa présidente, Isabelle de Silva, par la « dimension extraordinaire » du groupe californien ainsi que par les faits : l’abus de dépendance économique constitue une pratique « particulièrement grave », qui a un « fort impact sur la concurrence ».
Trois reproches adressés à Apple
Concrètement, trois éléments ont joué contre Apple :
- D’abord, l’Autorité a noté une entente anticoncurrentielle entre les deux grossistes d’Apple, de façon à empêcher les distributeurs de faire jouer la concurrence entre eux, ce qui a stérilisé le marché de gros (c’est-à-dire du marché des grossistes vers les boutiques) des produits de la marque.
- Ensuite, il a été relevé l’impossibilité de pratiquer des promotions ou baisses de prix sans risques pour les distributeurs, car Apple a multiplié les clauses contractuelles et les comportements pour bloquer toute marge de manœuvre. Dès lors, un alignement des prix de détail entre les distributeurs intégrés d’Apple et les distributeurs Premium indépendants a été constaté.
- Enfin, il est reproché à Apple d’avoir « exploité abusivement » la dépendance économique de ces distributeurs Premium à son égard, « en les soumettant à des conditions commerciales inéquitables et défavorables par rapport à son réseau de distributeurs intégrés ».
L’Autorité de la concurrence ne remet pas en cause la façon dont Apple organise son système de distribution : l’entreprise américaine peut tout à fait délimiter des canaux différents de vente, de choisir des grossistes pour approvisionner certains détaillants et de se réserver l’approvisionnement en direct d’autres détaillants. Cependant, cela ne peut se faire au détriment de la législation.
Une amende record qui tient compte de la « dimension extraordinaire » d’Apple
Autrement dit, la firme de Cupertino n’aurait pas dû pré-attribuer des clients entre ses deux grossistes, organiser une entente sur les prix de détail (c’est-à-dire ceux auxquels sont confrontés les clients finaux) ou de profiter de son poids économique pour nuire à ses partenaires commerciaux, de façon à privilégier son propre réseau de distribution interne. Apple n’a pas encore précisé s’il fera appel.
En cas de recours, celui-ci se fera devant la cour d’appel de Paris. Apple a un mois pour le déposer, à compter de la date de la décision. Toutefois, une action devant les tribunaux ne suspend pas la peine prononcée et en règle générale l’amende doit être réglée, sauf dans des circonstances particulières. C’est à l’appréciation de la cour d’appel, selon les faits qui lui sont présentés.
Apple, dans une réaction adressée à la presse, a décrit la décision de l’Autorité comme « extrêmement regrettable ». Selon la firme de Cupertino, elle « concerne des pratiques qui remontent à plus de dix ans » et paraît ignorer l’impact positif du groupe sur l’activité du pays, à travers notamment la création de quelques centaines de milliers d’emplois. « Nous sommes en profond désaccord avec cette décision et prévoyons de faire appel. »
La décision de la cour d’appel pourra également faire l’objet d’un recours, devant la Cour de cassation, dans un délai d’un mois après la publication de l’arrêt. Là encore, le pourvoi n’est pas suspensif.
(mise à jour avec la déclaration d’Apple)
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