La Commission européenne lance une « enquête approfondie » sur le rachat de Fitbit par Google. Elle n’est pas non plus convaincue par les engagements de l’entreprise américaine sur les données personnelles.

La partie n’est pas encore gagnée pour Google, dans sa tentative de rachat de Fitbit, une entreprise américaine spécialisée dans la fabrication d’objets connectés. L’opération, qui a été annoncée en novembre 2019 pour un montant de 2,1 milliards de dollars, bute pour le moment sur la circonspection de l’Union européenne : Bruxelles réserve pour l’instant son avis et préfère continuer à mener l’enquête.

Preuve en est avec l’annonce, le 4 août, de l’ouverture d’une « enquête approfondie », d’une durée maximale de 90 jours, pour se prononcer sur cette acquisition, sensible sur le plan des données personnelles, car les produits que commercialise Fitbit traitent d’informations de santé, de forme physique et de de bien-être. Le verdict des services bruxellois sera rendu au plus tard le 9 décembre 2020.

C’est sous le prisme du marché que ces investigations sont menées, car ce sont les services de Margrethe Vestager, commissaire danoise chargée de la concurrence dans l’Union, qui sont mobilisés. « Notre enquête vise à garantir qu’à l’issue de l’opération, la maîtrise de Google sur les données collectées au moyen de dispositifs portables ne faussera pas la concurrence. »

Margrethe Vestager

Margrethe Vestager, en avril 2019.

Source : Etienne Ansotte/ European Union, 2019

Une démarche qui se justifie par le fait que le secteur des objets connectés en Europe « devrait augmenter considérablement au cours des années à venir », avec de plus en plus d’Européens cédant à la mesure de soi (quantified self), que ce soit pour faire du sport, suivre un régime alimentaire, contrôler son rythme cardiaque ou encore analyser la qualité de son sommeil.

La conséquence logique de cette trajectoire est une production de plus en plus abondante de données. Or, la Commission n’ignore pas la place déjà très privilégiée, pour ne pas dire dominante, de Google dans la publicité, y compris celle personnalisée grâce aux données personnelles. Ce que craint Bruxelles avec l’achat de Fitbit et de ses données, c’est que la firme de Mountain View ne se renforce encore plus.

Des engagements de Google qui ne convainquent pas

Certes, Google a déclaré à quelques reprises qu’il n’utilisera pas les données de santé pour de la publicité, mais la Commission européenne a des raisons d’accueillir ces affirmations avec prudence. Bruxelles n’a pas oublié que Facebook lui a menti sur le dossier du rachat de WhatsApp, en partageant des données personnelles de la messagerie vers Facebook alors qu’il avait promis le contraire.

Pour rassurer les services bruxellois, Google a imaginé la création d’un silo de données, à l’intérieur duquel certaines informations collectées par des objets connectés — en l’espèce ceux de Fitbit — auraient été tenues à l’écart d’autres données détenues par Google, pour éviter des croisements d’informations. En somme, le contenu du silo aurait été exclu de toute utilisation à des fins publicitaires par Google.

La proposition n’a pas convaincu le Vieux Continent. « L’engagement concernant le silo de données proposé par Google est insuffisant pour lever complètement les doutes sérieux recensés à ce stade en ce qui concerne les effets de l’opération », lit-on. Pour la Commission, cette piste n’est certes pas inintéressante, mais elle ne va pas assez loin, car le silo ne couvre pas toutes les données liées au rachat.

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