La perspective de voir un e-euro apparaître dans les années à venir se concrétise. La Banque Centrale Européenne (BCE) a annoncé le 14 juillet le lancement d’un projet pilote de deux ans afin de créer un euro numérique. « Cela fait neuf mois que nous avons publié notre rapport sur l’euro numérique. Depuis, nous avons approfondi nos analyses, recueilli les avis de citoyens et de professionnels, et mené des essais encourageants. Cela nous conduit à passer à la vitesse supérieure et à lancer le projet d’un euro numérique », a annoncé la présidente de la BCE, Christine Lagarde, dans un communiqué de presse.
Cet euro numérique est présenté comme une alternative aux cryptomonnaies. Est-ce à dire que cet e-euro sera un genre de bitcoin européen ? Les deux seront, en réalité, assez différents l’un de l’autre.
Les cryptomonnaies ne sont pas des monnaies officielles
Des cryptomonnaies telles que bitcoin ne sont pas des monnaies officielles. Le fait qu’elles n’aient pas de cours légal signifie notamment que les personnes et les entreprises ne sont pas obligées de les accepter en paiement d’une dette. Pour l’heure, seul le Salvador a prévu de faire du bitcoin une monnaie officielle en septembre.
Le projet pourrait présenter certains avantages, car la majorité des Salvadoriens n’ont pas de compte en banque. Ce projet est toutefois très décrié par le Fond Monétaire international et la Banque Mondiale, qui critiquent l’impact environnemental lourd de la cryptomonnaie, et estiment que son adoption soulève de nombreux « problèmes macroéconomiques, financiers et juridiques ».
De manière générale, les cryptomonnaies ont une organisation décentralisée (c’est d’ailleurs un des points que leurs partisans mettent en avant) : elles ne sont pas contrôlées par des banques centrales mais reposent sur la blockchain, un grand registre ouvert que chaque utilisateur peut vérifier.
« Les cryptomonnaies sont fondamentalement différentes des monnaies des banques centrales : leurs cours sont souvent volatiles, ce qui les rend complexes à utiliser comment moyens de paiement ou unités de compte », fait valoir la Banque Centrale Européenne sur son site.
Un euro numérique serait moins énergivore
L’institution européenne assure qu’un euro numérique serait par ailleurs moins énergivore que le bitcoin. C’est un point important, car la consommation du bitcoin est un de ses plus gros défauts. C’est lié à l’architecture de sa blockchain : celle-ci utilise un mécanisme de vérification solide, la « preuve de travail » mais qui est très énergivore, car il requiert que les mineurs résolvent des calculs complexes pour valider un bloc, et gagner la récompense associée. Qui plus est, lorsque la capacité de minage augmente (car de nouvelles personnes se mettent à miner du bitcoin ou que des entités existantes acquièrent des machines supplémentaires), la difficulté de miner du bitcoin est revue à la hausse. A noter toutefois que toutes les cryptomonnaies ne sont pas aussi énergivores que le bitcoin. L’Ethereum doit par exemple basculer de la « preuve de travail » à la « preuve d’enjeu », et l’Ethereum Foundation estime que cela permettra de réduire sa consommation de plus de 99 %.
La Banque Centrale Européenne assure en tout cas que, s’il voit le jour, son euro numérique sera relativement écologique : « avec les architectures testées, l’énergie consommée pour réaliser des dizaines de milliers de transactions était négligeable comparée à celle de cryptomonnaies comme le bitcoin ».
A quoi ressemblerait un euro numérique ?
L’euro numérique imaginé par la Banque Centrale Européenne ne serait pas différent d’un euro classique. « Il serait identique à des billets mais numériques », explique la BCE sur son site. Ce serait une forme électronique de monnaie générée par l’Eurosystem (ndlr : le système formé par la banque centrale européenne et les banques centrales nationales). « Un euro numérique ne remplacerait pas l’argent liquide, il offrirait une option complémentaire. L’Eurosystem continuera d’assurer un accès à l’argent liquide à travers la zone euro », rassure la BCE.
Pourquoi lancer un euro numérique ?
La BCE estime qu’un euro numérique pourrait accélérer la transformation numérique de l’économie européenne et doper l’innovation dans le domaine des outils de paiement. « Un euro numérique serait un outil rapide, simple et sécurisé pour vos paiements quotidiens », précise-t-elle sur son site.
Le projet vise certainement aussi à regagner une partie du terrain cédé aux cryptomonnaies qui sont de plus en plus populaires. Beaucoup d’États dans le monde ont une position assez ambivalente vis-à-vis d’elles : ils veulent profiter du boom des cryptomonnaies mais s’inquiètent de l’instabilité qu’elles peuvent générer, des utilisations illicites qui en sont parfois faites (blanchiment d’argent , etc.), et de la difficulté à les contrôler.
La Chine qui abritait la majorité du minage mondial de bitcoin a d’ailleurs fait complètement volte-face sur le sujet : elle a décidé de lancer un yuan numérique, et lui a fait place nette en prenant des mesures drastiques pour faire cesser le minage des cryptomonnaies sur son sol.
Un euro numérique sera-t-il bientôt lancé ?
La BCE n’est pour l’heure qu’en phase de test d’un euro numérique mais le fait qu’elle lance une deuxième phase d’expérimentation bien plus longue montre que l’euro numérique est en bonne voie. La deuxième phase d’essai démarrera en octobre 2021 et durera deux ans. Cette expérimentation doit permettre de déterminer la forme qu’un euro numérique pourrait prendre et comment il serait échangé entre commerçants et citoyens.
L’UE veut également s’assurer qu’un euro numérique « permettra de lutter contre les activités illicites et n’aura pas d’impact négatif sur la stabilité financière et la politique monétaire ». La Banque Centrale Européenne précise toutefois sur son site que la mise en place d’un euro numérique ne semble, pour l’heure, pas présenter de défis techniques insurmontables.
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