Reporters Sans Frontières alerte sur la colonisation numérique de l’Ukraine par la Russie. Dans certaines régions, Moscou a pris le contrôle des réseaux.

C’est un phénomène qu’il a été possible de voir, peu après le déclenchement de l’invasion de l’Ukraine par la Russie. Dans des localités passées sous influence de Moscou, le trafic Internet a fait l’objet d’une redirection par l’occupant. Au lieu d’emprunter les réseaux ukrainiens, les connexions passent désormais par des infrastructures russes.

La région de Kherson, dans le sud du pays, a été l’illustration de cette bataille pour la maîtrise des réseaux. Cet oblast, situé juste au nord de la Crimée, est depuis mars sous le coup d’une occupation militaire et d’une « russification » à marche forcée : distribution de passeports à la population, installation du rouble et diffusion de la TV publique russe.

Toutes ces manœuvres apparaissent comme le prélude à une annexion future de la région — de la même façon que sont menacés les oblasts de Donetsk, Louhansk, mais aussi possiblement ceux de Zaporijjia, Kharkiv et Dnipropetrovsk. Tout l’est et le sud du pays pourraient ainsi être intégrés à la Russie. Et cela passe aussi par une colonisation par les réseaux télécoms.

Une colonisation numérique de l’Ukraine

Reporters Sans Frontières (RSF) dénonce ce « colonialisme numérique » dans une déclaration le 6 juillet 2022. L’organisme de défense de la liberté de la presse ne se fait pas d’illusion : le trafic Internet est une étape incontournable pour asseoir la domination russe sur la zone, en limitant la possibilité pour la population de lire des informations échappant au contrôle du Kremlin.

« L’accès à des sites indépendants russes et ukrainiens, tout comme à la plupart des réseaux sociaux, dont Facebook, est donc restreint, voire impossible selon la situation locale. La connexion instable et la bande passante limitée constituent en outre des obstacles supplémentaires pour se connecter et s’informer en ligne », commente RSF.

réseau télécom
Depuis le début de la guerre, des manœuvres russes sur les réseaux ukrainiens ont été observées. // Source : CommScope

L’oblast de Kherson compte en temps normal près d’un million d’individus — le nombre de civils encore dans la région est aujourd’hui difficile à estimer, du fait de la guerre et des mouvements de population pour y échapper. Fin juin, le départ de nombreux individus de la ville de Kherson était rapporté dans les médias. La moitié des habitants aurait déjà fui.

Les cartes les plus récentes montrent que la ligne de front de l’avancée russe déborde au-delà de l’oblast de Kherson, signe que l’armée ukrainienne recule et qu’elle n’est plus en mesure de reprendre pied durablement dans la région, pour l’instant. Début mai, les autorités avaient réussi à reprendre le contrôle d’Internet dans la ville principale, après un premier détournement.

RSF note que la Russie n’a pas encore une « maîtrise parfaite » du réseau, celui-ci étant décrit comme dense et complexe. L’organisation pointe aussi une soumission en cours du côté de la téléphonie mobile. Deux entreprises russes, Volna Mobile et Win Mobile, sont présentes dans les régions de Kherson et de Melitopol. Côté fixe, Miranda Media et Rostelecom sont dans les parages.

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