La Russie poursuit sa fuite en avant, en pleine tension avec l’Occident. Dans un message publié le 1er mars, l’autorité de régulation Roskomnadzor dévoile une nouvelle offensive contre des structures étrangères — en l’espèce, certains des plus grands services de messagerie du net –, en ordonnant aux organisations russes de ne plus s’en servir.
Neuf plateformes sont mentionnées dans le court communiqué :
- Discord ;
- Microsoft Teams ;
- Skype for Business ;
- Snapchat ;
- Telegram ;
- Threema ;
- Viber ;
- WhatsApp ;
- WeChat.
Ces plateformes sont en majorité américaines (Discord, Microsoft Teams, Skype, Snapchat et WhatsApp). On trouve une solution d’origine suisse (Threema), une autre venant du Japon (Viber) et une de Chine (WeChat). Quant à Telegram, sa trajectoire est particulière : la société, aujourd’hui basée à Dubaï, est d’origine russe de par la nationalité des frères Durov, les fondateurs.
Selon les indications juridiques figurant dans le communiqué du Roskomnadzor, « la loi interdit à un certain nombre d’organisations russes d’utiliser des messageries étrangères ». Le site Bleeping Computer, qui revient aussi sur l’entrée en vigueur du texte, note toutefois quelques absents notables, comme Zoom et Signal, qui sont aussi des émanations du monde occidental.
Ces diverses messageries proposent des fonctionnalités permettant de discuter en individuel, dans le cadre d’une correspondance privée avec une autre personne, ou bien dans le cadre de groupes plus ou moins larges. Leur approche en matière de sécurité et de confidentialité varie : le chiffrement de bout en bout existe par défaut chez certaines, en option chez d’autres et pas du tout parfois.
Les instructions données par l’instance chargée de la supervision des médias, de la communication et des technologies de l’information semblent ne s’adresser qu’aux organisations russes, pas directement à la population elle-même, ce qui serait peut-être le signe que la préoccupation de Moscou n’est pas forcément celle que l’on croit.
Découplage croissant entre la Russie et l’occident dans la tech
Ces dernières années, la Russie opère un certain découplage avec l’Occident, qui s’est accéléré avec la guerre contre l’Ukraine, notamment dans le domaine de la tech. On l’a vu avec les réseaux de télécommunications (et l’objectif d’avoir un « Internet souverain »), les systèmes d’exploitation, les processeurs et maintenant les applications de messagerie instantanée.
Bien sûr, ce désalignement est aussi nourri par les actions de l’Occident pour sanctionner l’agression militaire de Moscou : on a assisté à un désinvestissement de la tech d’une ampleur inédite. Des restrictions sur les plus récents Windows ont été observées. L’accès aux technologies de pointe s’est tari. L’interconnexion du pays avec le reste du monde est amoindrie. Les exemples sont nombreux.
La décision de Roskomnadzor peut s’analyser à cette aune : petit à petit, la Russie ne cherche qu’à compter sur ses propres forces en écartant les solutions étrangères — si ce ne sont pas leurs éditeurs étrangers qui prennent les devants, dans le cadre de sanctions internationales. Les organisations devront donc opter plutôt pour des logiciels russes.
Il peut aussi y avoir une raison plus prosaïque, suggérée par Bleeping Computer : en ici, la Russie craint peut-être des fuites d’information ou des actions d’espionnage à travers ces applications, si elles servent dans des secteurs sensibles. La guerre en Ukraine a poussé les services de renseignement des deux camps à augmenter très fortement leurs efforts pour savoir ce qui se passe en face.
Ce découplage reste toutefois un prétexte bien commode pour affermir la censure sur les réseaux, afin d’éloigner tout discours qui enfreint la ligne officielle édictée par Vladimir Poutine : des réseaux sociaux comme Facebook et Instagram (d’origine américaine) tout comme de nombreux médias ont été exclus pour ne avoir suivi le narratif du Kremlin.
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