Le FSB réprime l’utilisation des appareils Apple par les fonctionnaires de l’État après avoir déclaré la découverte d’une opération d’espionnage.

L’iPhone, porte d’entrée bien commode des États-Unis pour espionner en Russie ? C’est en tout cas sur cette allégation que les autorités russes ont pris la décision, lundi 17 juillet, d’exclure l’utilisation des terminaux de marque Apple par les membres de l’administration pour contrer les regards indiscrets de Washington dans l’appareil d’État.

La décision de Moscou, rapportée hier par le Financial Times, s’inscrit dans un contexte bilatéral désormais très dégradé entre les États-Unis et la Russie, en raison de la guerre d’invasion lancée par Vladimir Poutine en Ukraine. Les USA ont très tôt pris fait et cause pour Kiev, en lui apportant un soutien militaire et financier considérable, pour résister et contre-attaquer afin de reprendre les territoires perdus. Un soutien qui a beaucoup d’impact sur le terrain, car le conflit initié par le maître du Kremlin ne se déroule manifestement pas comme il l’aurait souhaité.

L’engagement très fort de Washington pour Kiev est d’ailleurs un facteur clé d’une paranoïa accrue à Moscou vis-à-vis de l’Occident. La Russie serait ainsi assiégée par l’Ouest et le moindre de ses déboires, de ses revers militaires ou de ses échecs viendrait, en fin de compte, d’un complot ourdi par l’Europe et l’Amérique. Même la mutinerie de Prigojine, le patron du groupe militaire privé Wagner, a été associée à la CIA, entre autres. Dès lors, le rôle de Washington dans cette affaire n’a rien d’invraisemblable pour les Russes. Et l’implication d’Apple non plus.

Pas d’interdiction générale de l’iPhone en Russie

L’interdiction d’utiliser l’iPhone à des fins professionnelles concerne des milliers de fonctionnaires en Russie, note le journal économique. Cependant, la mesure pilotée par les services de sécurité intérieure du pays (FSB, ex-KGB) ne s’étend pas jusqu’à la sphère privée : les employés peuvent continuer à détenir un iPhone pour un usage strictement personnel. La mesure ne touche pas non plus aux civils, qui peuvent encore s’en servir — sur le papier, l’iPhone est censé être désormais indisponible en Russie, en raison du désengagement des acteurs économiques occidentaux, mais les circuits parallèles d’approvisionnement ont pris la suite.

Officiellement, l’exclusion de l’iPhone (mais aussi de l’iPad et des autres appareils de la marque américaine) dans l’appareil d’État russe est une mesure de défense de Moscou après la médiatisation, ce printemps, d’une opération cyber ayant fait d’Apple un cheval de Troie. Moscou attribue à Washington la responsabilité de la mise en place d’une opération de surveillance, avec le concours secret d’Apple. À en croire Moscou, des diplomates russes auraient été notamment visés.

Les États-Unis ont des raisons nationales de mener des actions d’espionnage afin de percer à jour les secrets des grandes puissances à travers le monde — en particulier ceux de leurs plus importants compétiteurs. Les autres nations, d’ailleurs, ne s’en privent pas non plus, y compris la Russie. C’est à cela que servent les services de renseignement, comme la NSA — l’agence de sécurité nationale. Washington a aussi mis en cause Moscou sur ce terrain. En 2016 par exemple, la Russie a été accusée d’avoir déstabilisé l’élection présidentielle.

La société Kaspersky a découvert un logiciel espion dans des iPhone. // Source : Numerama
La société Kaspersky a découvert un logiciel espion dans des iPhone. // Source : Numerama

Si la Maison-Blanche a des capacités de pointe dans le domaine cyber, et parmi les plus performantes au monde, son implication dans l’attaque évoquée par le Kremlin est incertaine. Moscou n’a pas produit de preuve à l’époque pour donner de l’épaisseur à ses accusations. De son côté, Apple a nié toute participation à la soi-disant opération américaine. Un porte-parole a déclaré que l’entreprise « n’a travaillé avec aucun gouvernement pour introduire des portes dérobées dans les produits Apple. »

La création d’une porte dérobée pour les besoins de la NSA ferait l’objet d’une très vive controverse, si elle était avérée. Ce serait toutefois une décision périlleuse, car une telle backdoor fait courir le risque de se retourner contre ses concepteurs. En matière cyber, on ne peut pas créer une vulnérabilité réservée uniquement à certains acteurs et pas à d’autres. Autrement dit, une telle faille menace tout le monde et, donc, aussi les fonctionnaires américains ayant un iPhone. C’est en raison de cette spécificité qu’Apple a toujours déclaré son refus de créer des backdoors, car cela peut aussi profiter aux « méchants ».

D’après les rapports et les commentaires autour de cette affaire, les premières traces d’infection remonteraient à 2019, soit plus de deux ans avant l’offensive militaire de grande envergure de la Russie contre l’Ukraine (la péninsule Crimée était toutefois déjà occupée à ce moment-là, et cela, depuis cinq ans). En juin 2023, l’opération était décrite comme toujours en cours, touchant y compris la version 15.7 du système d’exploitation iOS sortie en septembre 2022, et ayant eu droit par la suite à plusieurs autres sous-versions.

Source : Numerama

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