La plupart des monnaies s’échangent sur les marchés internationaux à un taux calculé en temps réel. Mais qui fixe le taux des devises et comment ?

Début janvier, la Pologne a demandé des explications à Google. En cause : la firme américaine se serait trompée sur l’indexation de la monnaie polonaise, le zloty. Le taux de change affiché par Google entre l’euro, le dollar ou encore le franc suisse et le zloty était 23 % inférieure à la valeur réelle de la monnaie polonaise.

Très vite, le gouvernement a réagi pour expliquer que cela était une erreur et dès le lendemain matin, sa valeur est revenue à la normale. Néanmoins, cette différence de taux a créé une mini panique en Pologne. 

Capture d'écran de Google Finance.
Capture d’écran de Google Finance.

« Le système financier, tel qu’il est aujourd’hui est construit, est basé sur la confiance entre une information communiquée et les opérateurs des marchés financiers », analyse Yamina Tadjeddine, professeure d’économie à l’Université de Lorraine et directrice adjointe du centre de recherches BETA (Bureau d’économie théorique et appliquée), affilié au CNRS. « Le taux de change donne la valeur d’une monnaie par rapport à une autre. Ce rapport des monnaies entre elles va respecter des règles du système monétaire international. »

Au début, les taux étaient fixes

Ces règles ont évolué au fil des années et varient aussi d’un pays à l’autre. Avant 1970, le taux des monnaies était fixe. C’est-à-dire que toutes les monnaies étaient définies par rapport au dollar et seul le dollar était défini en or. Ce sont les accords de Bretton Woods (1944), qui ont aussi créé le Fonds monétaire international (FMI).

Avec ce système, les banques centrales devaient respecter le taux de change dicté par la banque centrale américaine, qui calquait la valeur du dollar sur l’or. 

« Ce système dysfonctionnait et accordait aux États-Unis un ‘privilège exorbitant’ », continue Yamina Tadjeddine. « Les autres pays étaient dépendants du bon vouloir de la banque centrale américaine. »

Les années 1970 marquent la fin des accords de Bretton Woods. C’est l’Allemagne qui enclenche le processus en cessant d’indexer sa monnaie sur le dollar. D’autres pays vont suivre et les demandes de remboursements de dollar commencent.

Les États-Unis, par la voix de leur président d’alors Richard Nixon, vont décider de suspendre les accords de Bretton Woods, et en 1976 les accords de la Jamaïque instaurent le régime des changes flottants, tout en laissant la possibilité aux pays d’opter pour un régime de taux fixe.

La loi de l’offre et de la demande

« Dès lors, les monnaies vont librement évoluer les unes par rapport aux autres », détaille Yamina Tadjeddine. « Ces mouvements traduisent les dynamiques économiques différentes entre les pays : en fonction de l’attractivité économique, de la stabilité politique d’un pays, du contexte inflationniste, etc. Les banques centrales n’interviennent plus du tout dans le cours d’une monnaie qui a fait le choix d’un taux flottant. » En d’autres termes, c’est la loi de l’offre et de la demande qui va désormais s’appliquer.

De fait, la valeur de la monnaie va dépendre, des rapports économiques internationaux entre les États. Plus un pays va exiger d’être payé dans sa monnaie, plus il va être perçu comme « digne d’investissement », plus sa monnaie va avoir une valeur élevée. A contrario, moins un pays va avoir des relations avec le système économique international, moins sa monnaie va avoir de la valeur.

À cela s’ajoute le taux d’inflation. Plus un pays va avoir un taux d’inflation fort, plus sa monnaie va être dépréciée. C’est le cas par exemple du Liban ou de l’Iran.

Manipulation volontaire et erreur

Pour d’autres monnaies, l’indexation dépend encore de l’euro ou du dollar. C’est le cas, par exemple, du Franc CFA, qui est lié directement à la Banque centrale française. Des pays, comme la Guinée ou Madagascar, ont tenté de sortir de cette dépendance à l’ancienne colonie française en lançant leur propre monnaie. Seulement, ils ont dû renoncer à cause des difficultés économiques engendrées par la création de nouvelles monnaies avec un taux flottant.

« Des évolutions quotidiennes qui sont transmises par des intermédiaires financiers ou des médias »

« Les taux de change flottants subissent donc des évolutions quotidiennes qui sont transmises par des intermédiaires financiers ou des médias », explique Yamina Tadjeddine.

Ce sont tous ces critères qui définissent le taux d’une monnaie par rapport à une autre. Aussi, si cette mauvaise information de Google est assez exceptionnelle, elle n’est pourtant pas une première.

Entre 2005 et 2009, des traders ont manipulé le taux d’intérêt du Libor. Les informations communiquées des taux d’intérêt auxquels les banques se prêtent de l’argent entre elles, étaient consciemment sous-évaluées par rapport aux taux réels. Cela aurait retardé la connaissance de la crise économique de 2008. 

« Dans le cas du Libor, cette manipulation des taux était volontaire, souligne Yamina Tadjeddine. Il va maintenant falloir attendre et enquêter pour savoir si Google en sous-évaluant la monnaie polonaise a fait une erreur technique ou si c’était volontaire. »

De son côté, Google Pologne a expliqué sur TVN24 que « les fonctions de recherche, telles que l’affichage du taux de change, s’appuient sur des données provenant de sources externes » avant d’ajouter que « si des inexactitudes sont signalées, nous contactons les fournisseurs de données pour corriger les erreurs dès que possible ». À suivre donc.

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