Et si les réseaux privés virtuels (VPN) se décidaient à quitter la France, à cause d’un environnement désormais trop contraignant pour continuer à exercer ? Ce scénario, qui semble très improbable en apparence, vient d’être mis sur la table le 24 février par la VPN Trust Initiative (VTI), une coalition qui rassemble les principaux VPN commerciaux.
Interrogé par Torrentfreak, son directeur exécutif, Christian Dawson, a en effet évoqué la possibilité d’un départ de certains éditeurs de VPN, si, à leurs yeux, les contraintes devenaient trop fortes — par exemple, s’ils font face à des demandes jugées excessives ou qui pourraient mettre en péril la vie privée ou la confidentialité de leur clientèle.
Si les VPN doivent partir, ce sera la faute de Canal, selon eux
En l’espèce, l’agitation soudaine de la VPN Trust Initiative a éclaté à la suite des récents efforts de Canal+ en matière de lutte contre le piratage. La chaîne cryptée a en effet d’importants intérêts à protéger, qu’il s’agisse du côté des œuvres culturelles (elle produit de nombreux films et séries) que des compétitions sportives, en tant que diffuseur officiel.
Or, les éditeurs de VPN craignent de suivre tôt ou tard le même chemin que les fournisseurs d’accès à Internet (FAI). Aujourd’hui, les grands opérateurs français comme Orange, Bouygues Telecom, SFR et Free sont presque cités systématiquement dans les ordonnances judiciaires visant à bloquer l’accès des internautes à des sites pirates.
« La décision potentielle de la France d’obliger les fournisseurs de VPN à bloquer des contenus pourrait placer ces entreprises dans une position similaire » à ce qui s’est déjà passé en Inde ou au Pakistan, « où les exigences réglementaires ont forcé certains services VPN à se retirer », a déclaré Christian Dawson à nos confrères.
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Dans le cas de ces deux pays, il s’agissait « de faire des compromis sur les normes de chiffrement ou sur les politiques de conservation des données ». Cependant, pour Christian Dawson, cela revient au même : « soit [les VPN] se conforment à des mesures qui vont à l’encontre de leur objectif, soit ils quittent complètement le marché. »
À ce stade, aucune décision n’a été prise pour l’un des membres de la VTI d’abandonner le marché hexagonal. Une lettre ouverte a été publiée le 24 février pour officiellement « s’opposer à une tentative juridique malavisée d’étendre le blocage des sites web aux VPN ». Et par la même occasion tirer la sonnette d’alarme et rallier, peut-être, le public.
Un signalement qui devrait d’autant plus faire mouche que la VTI rassemble en son sein des noms plus ou moins connus du marché. On trouve parmi ses membres NordVPN, ExpressVPN, Surfshark, PureVPN, VyprVPN (tous ces services ont été testés par Numerama dans son comparatif des meilleurs VPN), et dix autres plateformes.
Une mauvaise approche à un vrai problème
Pour le lobby des VPN, c’est une fausse solution que d’enrôler de gré ou de force les fournisseurs d’infrastructure pour combattre le piratage. « L’histoire a montré que les restrictions visant l’infrastructure numérique échouent à s’attaquer aux causes profondes du piratage », argue-t-il, avec des pratiques en matière de piratage qui « continuent d’augmenter ».
« Se concentrer sur des outils neutres en matière de contenu comme les VPN, plutôt que de s’attaquer aux sources de contenu illégal, non seulement n’aide pas à lutter contre le piratage, mais crée et inflige des dommages collatéraux à la cybersécurité et à la vie privée, mettant ainsi les utilisateurs en danger », est-il encore asséné.
La prise de parole survient justement à un moment charnière. Comme l’a relevé L’Informé le 6 février, plusieurs éditeurs de VPN ont été assignés par Canal+ et la Ligue de football professionnel (LFP) devant le tribunal judiciaire de Paris, fin 2024. Ont été concernés NordVPN, Cyberghost, Proton VPN, Surfshark et ExpressVPN.
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Le football est particulièrement concerné par les retransmissions illicites en raison de son immense popularité. La chaine cryptée, qui détient des droits de diffusion, est donc confrontée à une perte financière potentielle, car des internautes optent pour des moyens alternatifs, y compris payants, mais qui sont généralement moins cher qu’un abonnement.
Cette comparution est confirmée dans la lettre ouverte en est bien liée aux « efforts anti-piratage de Canal+ », indique la VTI. Des efforts qualifiés de « malavisés et disproportionnés » aux regards des finalités poursuivies, et au regard des bénéfices généraux des VPN — en matière de cybersécurité, via le chiffrement des données et le camouflage de la localisation.
La trajectoire récente de Canal+ en matière de lutte contre le streaming illégal de rencontres sportives (outre le football, la chaîne a des intérêts dans le rugby, le cyclisme, le tennis, le basket et la formule 1 notamment) n’incite toutefois pas à penser que cette complainte des éditeurs des VPN va l’amener à lever le pied.
Outre les fournisseurs d’accès à Internet, Canal+ a également cherché à enrôler les moteurs de recherche (Google au premier chef) pour retirer les liens des index, ainsi que les services de DNS comme Cloudflare et Cisco. Or, pour ce dernier, un précédent existe désormais : son service OpenDNS a fini par se retirer du marché français.
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