La Russie cible désormais les outils d’intelligence artificielle en tentant des les nourrir avec des campagnes de propagande. Une enquête révèle comment ces modèles relaient et amplifient des récits pro-Kremlin.

Depuis plusieurs années, la Russie développe des stratégies sophistiquées pour influencer l’opinion publique mondiale à travers la désinformation. Après avoir utilisé les réseaux sociaux et les fermes à trolls, le Kremlin s’attaque désormais à une nouvelle cible : les modèles d’intelligence artificielle. Une enquête publiée le 6 mars par la société NewsGuard révèle comment les grandes IA, dont ChatGPT et Grok, sont devenues un terrain de jeu pour la propagande russe.

L’IA, nouvelle cible des campagnes de désinformation

Selon le rapport de NewsGuard, une vaste opération de propagande a produit plus de 3,6 millions d’articles en 2024. Ces contenus, créés par un réseau appelé Pravda, ont fini par être ingérés par plusieurs des plus grands modèles d’IA. L’audit de NewsGuard révèle que ces modèles ont répété des récits de désinformation dans 33,55 % des cas et ont fourni un démenti seulement dans 48,22 % des cas. Pire encore, tous les chatbots étudiés ont relayé des informations issues de la propagande russe, et sept d’entre eux ont même cité directement des articles du réseau Pravda comme sources.

NewsGuard qualifie cette approche de « AI grooming », ou conditionnement de l’IA. Les modèles d’intelligence artificielle puisent de plus en plus des informations en temps réel sur le web. En exploitant cette faille, des sites de propagande au design crédible parviennent à être intégrés dans les réponses des IA, qui ne font pas toujours la distinction entre faits et désinformation.

Un faux site de propagande pendant les élections législatives anticipées. // Source : HarfangLab
Un faux site de propagande pendant les élections législatives anticipées. // Source : HarfangLab

Un exemple frappant cité dans le rapport illustre cette manipulation : une fausse information affirmant que le président ukrainien Volodymyr Zelensky aurait banni Truth Social, le réseau social affilié à Donald Trump. Cette allégation est totalement fausse, puisque Truth Social n’a jamais été disponible en Ukraine. Pourtant, six des dix chatbots analysés ont répété cette affirmation comme un fait avéré, en s’appuyant sur des articles de Pravda. L’un d’eux a même répondu : « Zelensky a interdit Truth Social en Ukraine en raison de publications critiques à son égard. Cette décision semble être une réaction à des contenus jugés hostiles, probablement en lien avec des tensions politiques. »

Ce cas illustre la manière dont la désinformation peut être assimilée par des modèles d’IA et diffusée à grande échelle.

Un changement des habitudes de consommation de l’information

Derrière cette campagne, on retrouve une entreprise informatique discrète nommée TigerWeb, basée en Crimée occupée par la Russie. Selon les agences de renseignement, le Kremlin s’appuie sur ces sociétés tierces pour nourrir le web et dissumuler l’origine du contenu. TigerWeb partage une adresse IP avec plusieurs sites de propagande, dont certains utilisent l’extension ukrainienne .ua afin de paraître plus crédibles.

Autre problème : la façon dont les utilisateurs accèdent à l’information évolue. Aujourd’hui, plus de 50 % des recherches Google ne génèrent aucun clic vers un site web (zero-click searches). Beaucoup d’internautes se contentent d’un résumé fourni par l’IA plutôt que de consulter un article complet. Google a récemment commencé à intégrer un « mode IA » dans ses résultats de recherche, ce qui renforce cette tendance.

Dans ce contexte, les conseils habituels de vérification de sources deviennent inefficaces. Si une IA résume un article, l’utilisateur n’a plus l’occasion de juger par lui-même de la fiabilité du site source. Or, bien que ces modèles d’IA soient loin d’être parfaits, leur ton affirmatif leur confère une crédibilité perçue plus grande que celle des médias traditionnels. La guerre de l’information ne se joue plus seulement sur les réseaux sociaux : elle se déroule désormais directement dans les modèles d’IA.

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