S’emparer de la reconnaissance faciale pour mieux traquer des potentiels suspects recherchés par la justice : voilà l’un des projets actuels menés par le Metropolitan Police Service, plus communément appelé Met, responsable du Grand Londres. Un projet pour le moins controversé et critiqué, tant l’utilisation d’un tel outil suscite des interrogations quant à la surveillance de masse de tout un peuple, à l’image de la Chine.
Mais ici, il n’est pas question de scanner le visage de tous les Londoniens. Débutés il y a trois ans, les essais, au nombre de dix, menés par les forces de police de la capitale britannique — à Leicester Square, Westfield Stratford et Whitehall — ont fait l’objet d’une analyse par des chercheurs de l’université de Wessex. Sur les dix cas, seuls six ont été étudiés par les scientifiques, représentant pas moins de quarante-deux dossiers, comme le relaie Forbes.
Moins de 20 % de réussite
Et le moins que l’on puisse dire, c’est que les résultats affichent un taux de réussite relativement faible. En témoignent les chiffres suivants : sur les quarante-deux suspects recherchés, l’outil de la police en a repéré vingt-six. Sur les vingt-six, quatre d’entre eux ont finalement échappé à l’outil de surveillance de Scotland Yard, car trop dispersés dans la foule. Au total, seulement huit cas de correspondances formelles ont été validés par les systèmes, soit un total de 19 %. C’est moins d’une fois sur cinq.
Les auteurs du rapport cités par Forbes se montrent donc particulièrement virulents à l’égard de cet outil. Selon eux, la reconnaissance faciale doit être immédiatement stoppée et interdite. De son côté, le Met s’est défendu en déclarant que ses tests étaient légaux et avaient permis de retrouver des suspects. Mais les chercheurs pointent justement du doigt la légalité de cette pratique : aucune autorisation explicite présente dans la législation nationale ne l’autoriserait.
Les universitaires mettent d’ailleurs en exergue une « absence de leadership national » sur la question, laissant la police manipuler ce genre de technologie comme bon lui semble. « En fin de compte, on a l’impression que le respect des droits de l’homme n’a pas dès le début été intégré dans les systèmes de la police métropolitaine, et qu’ils ne faisaient pas partie intégrante du processus », a déclaré le professeur Peter Fussey.
Silkie Carlo, directrice de l’ONG Big Brother Watch, qui milite pour les libertés civiles et la vie privée, ajoute son grain de sel : « Ce rapport est une conclusion totalement accablante de l’expérimentation dangereuse relative à la reconnaissance faciale par la police. Cela confirme nos avertissements de toujours : c’est imprécis, illégal et cela doit être stoppé urgemment ». Et de conclure : « Ce style de surveillance à la chinoise est antidémocratique et n’a pas sa place en Grande-Bretagne ».
La nuisance de la reconnaissance faciale
Si la ville de San Francisco (Californie) a de son côté banni la reconnaissance faciale, la Chine, elle, l’a pleinement intégré à ses systèmes de surveillance. Une surveillance à grande échelle que redoute donc le peuple britannique, mais dont l’efficience reste encore à prouver. Le fait est que la reconnaissance faciale est, de base, un élément de nuisance pour tout état démocratique. Une technologie non aboutie pourrait en plus porter préjudice à des personnes innocentes.
Ici, les autorités londoniennes n’imitent pas totalement celles de l’Empire du Milieu qui utilisent déjà largement la reconnaissance faciale, comme pour le paiement tout récemment. Mais force est de constater qu’elles s’en rapprochent doucement mais sûrement. S’inspirer des techniques chinoises reste déconseillé, selon Edin Omanovic, responsable du programme de surveillance au sein de l’ONG Privacy International, qui mettait en garde les démocraties libérales occidentales face aux protocoles de sécurité appliqués au niveau des frontières par l’administration de Xi Jinping.
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