Le New York Times a eu accès à un contrat entre Michael Sanchez et le tabloïd The National Enquirer. Sur la table de négociation : l’exclusivité sur les photos et messages compromettants du patron d’Amazon et de sa maîtresse. Si cette information diminue l’hypothèse d’un hack pour obtenir ces informations, elle ne suffit pas pour l’exclure.

L’histoire autour du prétendu hacking du téléphone de Jeff Bezos connaît un nouveau rebondissement. Le rapport de FTI Cybersecurity, commandé par le patron d’Amazon et approuvé par les rapporteurs de l’ONU, est remis en cause. Les experts y lient par hypothèse le prétendu hack à la fuite des messages privés de Jeff Bezos à sa maîtresse, Lauren Sanchez, publiés dans le tabloïd The National Enquirer.

Cette révélation avait entraîné, au début de l’année 2019, le divorce de Jeff et MacKenzie Bezos. Mais un article du New York Times, publié jeudi 23 janvier 2020, fragilise cette théorie. Les journalistes ont eu la main sur un contrat de 200 000 dollars qui aurait été signé entre le tabloïd et le frère de Lauren Sanchez : la fuite de données viendrait de cet homme, et non d’un logiciel espion.

Image d'erreur

Les chercheurs de FTI font le rapprochement entre l’image stock utilisée par le prince saoudien pour un meme et la maîtresse de Jeff Bezos. // Source : FTI Cybersecurity

200 000 dollars pour fournir des documents compromettants sur la relation de sa sœur

Dès mars, le tabloïd affirmait avoir obtenu les messages compromettant par le biais de Michael Sanchez, le frère de la désormais compagne de Jeff Bezos. D’après le New York Times, l’homme est une source récurrente de The Enquirer. Le Times a pu aussi confirmer les propos du tabloïd : les journalistes ont consulté le contrat de non-confidentialité signé le 18 octobre 2018 entre Michael Sanchez et The Enquirer. Cet accord a été conclu près de 4 mois avant la révélation publique. Il porte sur « certaines informations, photographies et SMS qui documentent une liaison extra conjugale entre Jeff Bezos et Lauren Sanchez ».

Lauren Sanchez aurait elle-même donné une partie des documents à son frère

Huit jours plus tard, Sanchez donnait au tabloïd le droit de publier les messages et photographies qu’il a fournies, moyennant 200 000 dollars. « L’unique source de notre article était bien documentée », a déclaré American Media, la société mère du tabloïd. « Toute suggestion qu’un parti tierce était impliqué ou a influencé de quelque manière notre article est faux », tranche-t-elle. Les sources internes citées par le Times défendent que le tabloïd savait depuis le 10 septembre 2018 que le milliardaire fréquentait une actrice.

Le scandale avait déclenché une enquête, menée par des agents fédéraux, sur les dommages causés par American Media au patron d’Amazon. L’Enquirer avait alors donné les preuves que Lauren Sanchez elle-même avait passé des messages et photos compromettantes de Jeff Bezos à son frère.

La piste du hacking pas tout à fait balayée

Si Michael Sanchez a bien fourni les messages et photos, la piste d’un hacking du smartphone de Jeff Bezos doit-elle être balayée ? Ce n’est pas si simple. Déjà, Michael Sanchez défendait l’an dernier qu’il n’avait pas fourni les photos de pénis relayées par le tabloïd. En revanche il n’avait ni nié ni confirmé qu’il était derrière la fuite des messages.

L’Arabie Saoudite aurait donc quand même pu envoyer d’autres informations de valeur à The Enquirer, grâce à un éventuel piratage. D’autant plus que les rapports très cordiaux entre le CEO d’AMI David J. Pecker et le régime saoudien sont connus. American Media avait notamment publié en 2018 un magazine de 97 pages, aux allures de promotion pour le prince héritier.

Le rapport de FTI est fragilisé

Ensuite, l’Arabie Saoudite semble bien impliquée dans une campagne de dénigrement contre le patron d’Amazon et ses entreprises. Et le régime est aussi très probablement impliqué, d’après plusieurs enquêtes, dans le meurtre du journaliste du Washington Post, Jamal Khashoggi. Journal dont Jeff Bezos est l’actionnaire majoritaire. Autant de potentiels mobiles.

Quoiqu’il en soit, cette nouvelle information fragilise le rapport de FTI, même s’il a été pris au sérieux par l’ONU. Et son détail technique est aussi remis en cause par une partie de la communauté des chercheurs en cybersécurité. Le hacker Rob Graham met par exemple en lumière un des biais du rapport, commandé par Jeff Bezos : « Les experts de FTI ont commencé avec une conclusion. Leur travail n’était pas de la réfuter, mais de trouver des preuves de son existence. Il était impossible pour eux de produire un rapport que aurait dit ‘nous n’avons trouvé aucune preuve’, même s’ils n’ont en réalité trouvé aucune preuve. »

De son côté, le Citizen Lab, qui a déjà travaillé sur l’usage de logiciels espions de pointe par le royaume saoudien, s’est contenté de donner des pistes pour pousser l’enquête plus loin, sur les bases du rapport du FTI.

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