Qu’est-ce que le cofondateur d’Oculus, l’ancien porte-parole de campagne de Donald Trump et le nouveau chef du renseignement américain ont en commun ? Tous sont conservateurs… et tous ont eu accès à l’application de reconnaissance faciale de ClearviewAI, a révélé BuzzFeed.
La startup qui aspire les images du web a construit sa défense autour de l’affirmation que sa technologie n’est disponible qu’aux forces de l’ordre. « L’app contient des garanties pour s’assurer que les professionnels entrainés qui y ont accès ne l’utilisent que dans son objectif premier : aider à identifier les criminels et leurs victimes », écrivait le fondateur dans son billet de blog du 27 janvier.
Sauf que BuzzFeed a mis la main sur la liste des 2 200 organisations clientes de Clearview, fuitées par un hacker. Aux côtés du FBI, de la police douanière (ICE) et de polices locales se trouvent aussi des banques, des organisations sportives, des chaînes de magasins… Les dirigeants ont donc menti sur leur clientèle.
Et ce n’est pas tout. Dans son fichier client, Clearview a aussi une colonne labellisée « amis » : des organisations qui n’ont même pas forcément un intérêt à payer pour la technologie. Cette liste se compose de think tanks conservateurs, d’élus républicains et de 20 investisseurs potentiels, détaille BuzzFeed. La très grande majorité d’entre eux sont d’importants soutiens ou des proches de Donald Trump. Justement, les deux cofondateurs de Clearview sont eux aussi proches des milieux conservateurs. Le CEO de la startup, Hoan Ton-That, avait développé une app de soutien au parti républicain. L’autre cofondateur, Richard Schartz, était à la fin des années 1990, le conseiller du maire républicain new-yorkais de l’époque, Rudy Giuliani.
Ton-That a qualifié d’« incorrectes » les informations de BuzzFeed et a souligné qu’elles avaient en partie été fournies par « voie illégale », après que le site s’est fait hacker.
Une colonne d’« amis » problématique
Le code de l’application, accessible publiquement, séparait les potentiels utilisateurs en 12 « types d’entreprises » : « gouvernement », « banque », « investisseur » ou encore… « ami ».
Dans cette colonne « ami », BuzzFeed a trouvé l’entreprise fondée par Jason Miller, un des porte-parole de la campagne présidentielle de Trump en 2016. Ce professionnel de la communication anime aujourd’hui un podcast avec Steve Bannon, figure de l’extrême droite derrière la stratégie de la campagne du président en 2016. Autre nom bien connu : l’entreprise de défense Anduril, fondée par Palmer Luckey, le sulfureux et très conservateur ancien dirigeant d’Oculus. Elle s’est défendue de tout lien avec Clearview, et affirme qu’un compte a été créé pour Palmer Luckey, car la startup voulait lui faire une demande d’investissement. Mais BuzzFeed affirme que le compte affilié à Anduril a effectué 20 recherches sur le logiciel. Aux côtés de ces personnalités conservatrices, deux think tanks, le Manhattan Institute et le American Enterprise Institute, disposent d’un compte.
Le nouveau chef du renseignement américain a eu un accès à l’application
Dans cette liste d’amis se trouvent aussi quatre bureaux d’élus républicains. Parmi eux, celui de John Ratcliffe, député du Texas, récemment nommé par Donald Trump à la tête du renseignement américain, non sans opposition. En revanche, ces comptes d’élu n’ont jamais été activés et n’ont donc effectué aucune recherche. L’équipe du député a confirmé qu’elle avait rencontré celle de Clearview, un rendez-vous pour lequel la startup avait prévu un compte de démonstration. Mais pour l’utiliser, elle aurait dû faire une déclaration officielle.
Plus globalement, il semblerait que la quasi-intégralité des plus grands fonds de financement ait été au courant de l’existence de la startup. BuzzFeed a trouvé des comptes rattachés au géant des télécoms et de l’investissement SoftBank, à un fonds souverain des Emirats-Unis, ou encore au Founders Fund de Peter Thiel (Facebook, Palantir). Si ces entités n’ont pas profité de l’occasion pour ouvrir un débat sur la reconnaissance faciale, le Congrès semble quant à lui s’en saisir. Le comité sur la science, l’espace et la technologie a envoyé une lettre signée par tous ses membres. Il demande à Clearview les critères qu’il utilise pour donner un accès à son logiciel. De son côté, le sénateur démocrate Ed Markley a demandé à la startup de justifier la vente de sa technologie à des organisations n’appartenant pas aux forces de l’ordre, et à des pays ayant été condamnés pour violation des droits de l’Homme.
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