« Nous avons en notre possession toutes vos informations (email, adresse, téléphone… tout). Vous êtes actuellement enregistré en tant que démocrate, et nous le savons parce que nous avons obtenu un accès à l’infrastructure de vote. Vous allez voter pour Trump le jour de l’élection où nous vous retrouverons.» Voici le début de l’email de menace reçu par des habitants de Floride et de l’Alaska, courant octobre.
La Floride est un « swing state », un de ces États où l’issue de l’élection est indécise, et dont le vote pourrait faire basculer l’élection présidentielle. L’Alaska, de son côté, soutient historiquement le candidat républicain, mais elle pourrait cette année changer de bord en raison de la faible popularité du président sortant.
L’email est signé « Proud Boys », un groupuscule de la droite dure, fervent soutien de Donald Trump, qui s’est illustré lors de manifestations contre les mesures sanitaires contre le coronavirus, et n’hésite pas à faire appel à la violence. Facebook les a bannis pour discours de haine, et le groupe partage régulièrement des discours suprémacistes blancs. Le scénario de l’email est donc plausible, à deux détails près : le bord politique des électeurs n’est pas enregistré par les infrastructures de vote, et les messages n’ont pas été envoyés depuis des serveurs américains.
Les autorités US accusent l’Iran d’une tentative de déstabilisation
Mise en avant par le New York Times le 20 octobre, l’histoire a fait le tour de la presse américaine. Dès le lendemain, les autorités américaines ont tenu une conférence de presse pour évoquer l’incident, qu’a suivi ZDNet. À la tribune, le directeur du FBI Christopher Wray et le directeur du renseignement américain John Ratcliffe (proche de Trump) ont attribué l’écriture et l’envoi des emails à l’Iran. Il s’agirait donc d’une campagne de déstabilisation commanditée plus ou moins directement par le pouvoir iranien.
La rapidité de cette réaction est exceptionnelle : l’attribution des campagnes de désinformation et de piratage s’avère généralement complexe, et nécessite de nombreuses recherches. Parvenir à la faire en un jour tient de l’inédit pour une agence gouvernementale. L’administration Obama, par exemple, avait mis plusieurs mois à attribuer à la Russie le piratage des emails de campagne d’Hillary Clinton, malgré plusieurs rapports d’entreprises spécialisées.
Le renseignement US gonfle les muscles
Afin d’éviter ce raté de 2016, le renseignement américain est extrêmement attentif aux tentatives d’ingérences sur l’élection. D’ailleurs, John Ratcliffe a aussi ajouté que la Russie « a lancé des actions spécifiques pour influencer l’opinion publique sur l’élection », précisant que des Russes avaient obtenu des informations de votants.
« Nous n’allons pas tolérer une interférence étrangère dans notre élection, ni d’activité criminelle qui menacerait l’intégrité du vote et affaiblirait la confiance du public dans le résultat de l’élection », a déclaré le directeur du FBI
Le NYT a recueilli le témoignage de Lauren Poe, la maire de Gainesville (Floride), où certains habitants ont reçu les emails signés « Proud Boys ». « La plupart des personnes ont reconnu que c’était un email frauduleux, et qu’il n’y avait aucun moyen de vraiment savoir pour qui ils allaient voter », rassure-t-elle.
Quel motif pour l’Iran ?
Les autorités américaines n’ont pas présenté de preuve de leur attribution, et aucune entreprise n’a pu la corroborer. Plusieurs représentants iraniens ont donc immédiatement dénoncé les accusations. Le Washington Post relève par exemple que le porte-parole de l’Iran à l’ONU a qualifié l’attribution d’« absurde ».
L’attribution parait effectivement contre-intuitive : pourquoi est-ce que le pouvoir iranien œuvrerait en faveur de Donald Trump, alors que le président a grandement dégradé les relations entre les deux pays ? Rupture de l’accord nucléaire, nouvelles sanctions, assassinat du commandant Qassem Soleimani…
Certains spécialistes, comme Ariane Tabatabai, ont une réponse : l’objectif de l’Iran serait de semer le chaos, peu importe qui emporte l’élection. Le pouvoir iranien gagnerait s’il parvenait à diviser les États-Unis et à endommager la confiance des citoyens dans le gouvernement et la démocratie. Tant pis si cela se fait aux dépens d’un soutien à un ennemi. Cette stratégie diplomatique, la Russie la pratique depuis plusieurs années dans le cyberespace. En affaiblissant les institutions des autres pays, peu importe le moyen, elle revient mécaniquement sur le devant de l’ordre mondial.
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