Limogé en octobre dernier, Saoud Al-Qahtani est un des proches du pouvoir saoudien suspecté dans l’assassinat du journaliste dissident Jamal Khashoggi ayant pris place à l’ambassade saoudienne d’Istanbul. Homme-clé de l’entourage du prince héritier, Mohammed Ben Salman, Saoud Al-Qahtani était jusqu’à l’automne conseiller média. Ce rôle important a été octroyé à l’homme de 40 ans après avoir fait ses armes au centre d’études et d’affaires médiatiques du royaume. Il est rapporté que Qahtani fut à la manœuvre lors de vastes campagnes de propagande en ligne, notamment sur Twitter, contre les ennemis du royaume : Iran et Qatar.
Ce dernier aurait également été lié à l’échauffement rapide des relations avec le Qatar qui avait été précédé par une guerre informationnelle éclair. Dans le Washington Post, Jamal Khashoggi, affirmait que Saoud Al-Qahtani tenait en outre une liste noire de journalistes critiques du pouvoir saoudien et qu’il n’hésiterait pas à les intimider. Selon Reuters, Qahtani, qui surveillait de près le journaliste exilé, aurait lancé son exécution via Skype. Une signature personnelle pour ce puissant courtisan à la tête de la flotte numérique saoudienne.
Le maelstrom d’une guerre informationnelle
Riyad, qui se défend d’avoir donné l’ordre de l’exécution, a depuis rétrogradé Qahtani qui est redevenu, selon son compte Twitter, conseiller royal à la Saudi Federation for Cybersecurity, Programming and Drones.
Pour David Ignatius, chroniqueur au Post, l’assassinat de Khashoggi pourrait être relié directement à l’offensive saoudienne sur les médias et le cyberespace. Le journaliste rappelle que Khashoggi avait imaginé avec Omar Abdulaziz une contre-attaque sur les réseaux sociaux ciblant les bots et relais d’influence pro-saoudiens. Il avait précédemment refusé un rôle dans les médias nationaux pour gagner en liberté au Washington Post où il écrivait le portrait d’une Arabie Saoudite au vitriol. Pour Ignatius, ces choix et actions auraient été interprétés par le régime, et notamment Qahtani et son équipe, comme des provocations. Le journaliste serait devenu un obstacle dans la guerre informationnelle menée par Riyad.
Pour Omar Abdulaziz, proche de Khashoggi exilé au Canada, l’assassinat du journaliste aurait pu être évité si la puissance cyber de l’Arabie Saoudite n’avait pas été augmentée par les services d’une entreprise israélienne : le NSO Group. Cette firme aux produits technologiques très controversés — des armes de surveillance — aurait fourni à la cellule menée par Qathani le puissant spyware Pegasus. Cette vente d’arme numérique, adoubée par le gouvernement israélien selon le Post, serait, pour Abdulaziz qui poursuit la société, à l’origine du mobile de l’exécution.
Le logiciel israélien aurait permis aux Saoudiens de connaître les intentions de Khashoggi — la contre-attaque sur les réseaux sociaux — et des détails déterminants pour décider de son assassinat. Cette vente autorisée sous le regard des forces européennes et américaines a été justifiée par Riyad comme un outil nécessaire à la lutte contre l’extrémisme. Le soutien fourni par les Saoudiens dans la lutte contre l’EI rendrait les occidentaux moins regardant sur la rapide montée en puissance cyber des forces saoudienne.
Un spyware israélien dans les mains des Saoudiens
La société israélienne, allergique à la lumière médiatique, a fait savoir que le dossier monté par Abdulaziz était infondé. Le Citizen Lab avait déjà pointé du doigt cette entreprise qui aurait vendu son logiciel phare au Panama et assisterait de nombreux régimes dans la surveillance des journalistes. Le lien entre l’assassinat et la puissance cyber saoudienne n’est pas direct, et cette dernière apparaît davantage comme le contexte d’une affaire politique qu’un acteur principal. Néanmoins, la quête de puissance cyber du régime de MBS et l’importance de la guerre informationnelle dans cette région est plus qu’un décor dans l’exécution de Jamal Khashoggi. Reste à savoir si le spyware vendu par RSO a pesé dans la décision saoudienne.
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