Alors que le Conseil d’Etat a sanctionné vendredi le mode de calcul de la rémunération pour copie privée en exigeant que les copies illicites (en particulier le téléchargement) soient exclues du champ de la compensation du préjudice subi par la copie privée, les ayants droit ont très vite dégainé la réplique. Le soir-même, le représentant des majors du disque menaçait les consommateurs d’une possible augmentation de la taxe pour copie privée, à contre-courant de l’effet attendu de la décision de la juridiction administrative.
La stratégie était visiblement préparée. Dès mardi, premier jour ouvré depuis la publication de l’arrêt du Conseil d’Etat, l’ensemble des organisations d’auteurs, compositeurs, artistes-interprètes, éditeurs et maisons de disques se sont réunies pour publier un communiqué commun pour prendre acte de la décision du CE, et confirmer les menaces. « Les organisations soussignées font observer que les barèmes prévus par la décision du 20 juillet 2006 (celle qui a été annulée, ndlr) ont été adoptés après qu’elles aient accepté de faire des concessions extrêmement importantes, dans un contexte où la détermination du montant des rémunérations ne prenait pas en compte l’origine – licite ou illicite -des copies« , indique le communiqué. « Dès lors que seule une partie des copies privées effectuées sera prise en compte, les ayants droit seront fondés à réexaminer l’importance de ces concessions, ce qui est susceptible, dans le respect de la décision du Conseil d’Etat, de préserver le niveau actuel des barèmes de rémunération« .
Les ayants droit ne vont pas jusqu’à menacer d’une hausse de la rémunération, mais prétendent également qu’elle pourrait être maintenue à son niveau actuel, en revenant sur de soit-disantes « concessions » dont on se demande d’où elles émergent. Les montants de la rémunération pour copie privée appliqués en France sont déjà parmi les plus forts d’Europe, et ça n’est certainement pas grâce à des « concessions » imaginaires.
Le communiqué publié mardi confirme en tout cas enfin explicitement que les ayants droit prenaient effectivement en compte dans la rémunération pour copie privée les copies dont la source est illicite, c’est-à-dire les téléchargements qu’elle sanctionne. Jamais, auparavant, les organisations de la filière musicale n’avaient reconnu publiquement qu’elles taxaient d’une main ce qu’elles sanctionnaient de l’autre. Les masques sont tombés.
Par ailleurs, les organisations affirment à raison que le Conseil d’Etat « ne met pas en cause le niveau des rémunérations adoptées« . Comme si l’adage « qui ne dit rien consent » s’appliquait aux décisions de justice. Mais si le Conseil d’Etat n’a rien dit sur le montant, c’est que rien ne l’autorise à le faire. Le haut tribunal administratif doit se contenter de rappeler les règles à suivre pour calculer la rémunération, et en l’espèce il a constaté que ces règles étaient violées par les ayants droit et par la commission dans laquelle ils siègent en roue libre. A aucun moment la loi ne permet au Conseil d’Etat de juger du montant-même de la taxe.
Et c’est justement un problème.
Puisque la décision du CE ne sera effective que dans 6 mois, les ayants droit peuvent profiter du créneau pendant lequel la commission siège encore dans sa composition et avec ses statuts actuels pour voter une nouvelle décision prenant soit-disant en compte les règles rappelées par le Conseil d’Etat, avec en fin de compte les mêmes montants. Puisque les règles auront été respectées sur le papier, personne ne pourra cette fois la contester. Jusqu’à ce que de nouvelles décisions interviennent sous l’égide de la nouvelle commission pour copie privée, au fonctionnement plus démocratique…
On fait difficilement plus cynique.
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