On le sait, la vie privée devient de plus en plus difficile à protéger avec Internet. Toute notre vie numérique est archivée, classée, y compris à l’insu de notre plein gré. Nos profils Facebook, nos blogs, nos CV, nos commentaires, tout est indexé dans d’immenses bases de données qui ne donnent plus droit à l’oubli. Et même avec la meilleure volonté du monde, contrôler son image devient impossible.
Il suffit qu’un bloggeur prenne une photo de vous pour qu’elle soit aussitôt visible par tout le monde. Bientôt, dans un avenir proche, Google n’aura même plus besoin de trouver votre nom dans le texte accompagnant la photo pour savoir qu’il s’agit de vous. La firme a acquis en 2006 la société Neven Vision, qui dispose d’une techologie de reconnaissance du visage déjà employée par les autorités de police, pour associer un nom à un visage. Prenez une photo de la jolie demoiselle dans le bar, et vous pourrez immédiatement lire son blog avant d’engager la conversation en terrain connu.
Si ces perspectives vous effrayent, rassurez-vous, vous n’êtes pas seuls. Pour tenter de trouver une solution à la protection de la vie privée photographique, des chercheurs de l’Université de Columbia ont mis au point une technologie d' »échange de visage« . Leur logiciel est capable de détecter un visage sur une photo, et de modifier complètement son apparence en substituant un sourire par un autre, en changeant les yeux ou la forme du nez. Les chercheurs Dmitri Bitouk et Neeraj Kumar estiment que cela pourrait être utile, notamment, pour protéger l’identité des personnes sur des services comme Google Street View ou Everyscape, qui prennent constamment des passants en photo dans toutes les rues du monde.
« Notre système utilise une large bibliothèque d’images de visages créée automatiquement en téléchargeant des images sur Internet, en extractant les visages en utilisant un logiciel de détection de visages, et en alignant chaque visage sur un système de coordonnées commun« , expliquent les chercheurs dans leur publication (.pdf). Le système fonctionne en trois étapes. D’abord, il extrait le visage de la photo (à gauche dans notre illustration) et trouve dans la bibliothèque un visage aux caractéristiques proches (au milieu). Puis le système ajuste la pose, l’éclairage, et la couleur des morceaux de visages pour qu’ils se fondent dans la photo initiale (à droite). Puis enfin, il calcule le degré de différence du visage recréé par rapport au visage original. Le tout ne prend qu’une seconde à être exécuté, ce qui rend le système parfaitement exploitable à l’échelle industrielle.
Ca n’est toutefois qu’une réponse très partielle au problème beaucoup plus large de la protection de la vie privée sur Internet, et de la gestion dans le temps de sa vie publique. Ce que vous souhaitez voir public aujourd’hui sera peut-être quelque chose que vous souhaiterez cacher demain. Mais la génération Internet n’a plus droit au repentir et à l’oubli. Il faudra songer, un jour, à réfléchir très sérieusement aux PRM (Privacy Rights Management), qui sont pour la protection de la vie privée ce que les DRM sont à la protection du droit d’auteur. Celui qui est titulaire de sa vie privée doit pouvoir crypter ses données et décider de l’usage qui est fait de ses informations, à tout moment.
Un tel système ne verra le jour que par la force d’une volonté politique aujourd’hui totalement absente. Contrairement aux DRM, les PRM ne reçoivent en effet aucun soutien des industriels qui n’y voient pas d’intérêt commercial, bien au contraire.
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