Les maisons de disques sont très douées pour réclamer des sous, mais beaucoup moins pour en donner. Nous vous avions raconté comment le chanteur Sébasto, après avoir vendu 100.000 exemplaires de son titre « Fais la poule », s’était retrouvé quelques mois plus tard au RMI en ayant touché la glorieuse somme de 477 euros de la part de sa maison de disques. Malheureusement (toute considération artistique à part), ces histoires de spoliation sont monnaies courantes dans l’industrie qui dégaine toujours très vite dès qu’il s’agit de dénoncer le manque de loyauté des consommateurs.
Virgin, un label EMI, vient ainsi de porter plainte contre l’acteur Jared Leto et son groupe 30 Seconds to Mars, parce qu’il n’aurait pas fourni dans les temps un album que le groupe devait enregistrer pour la maison de disques, selon les termes du contrat passé entre les deux entités. D’après l’agence Associated Press, Virgin réclamerait au groupe la bagatelle de 30 millions de dollars de dédommagement. Outche.
Mais l’histoire ne s’arrête pas là. Sur leur forum, le groupe réagit en affirmant que la plainte est « ridiculement démesurée, totalement irréaliste et plutôt cinglée« . Surtout, il raconte l’autre versant de l’histoire. D’abord, le groupe a signé un contrat de 9 ans, alors que la loi californienne sous laquelle le contrat a été signé interdit les contrats de plus de 7 ans entre un groupe et sa maison de disques. Aussi, selon eux, EMI porte plainte parce qu’il y a deux mois, 30 Seconds to Mars a dénoncé la nullité du contrat, ce qui le libère de tout engagement.
Or s’ils ont choisi de dénoncer le contrat, c’est parce que malgré plus de 2 millions de disques vendus, le groupe « n’a jamais été payé d’un centime« . Et non seulement le groupe n’a rien reçu, mais en plus selon EMI, les membres lui doivent encore 1,4 millions de dollars de dettes. C’est l’argent du prochain album que le groupe refuse d’enregistrer qui doit en théorie effacer cette dette. Comme nous l’avions expliqué, une maison de disques est en fait une banque qui prête de l’argent aux artistes pour enregistrer leur premier disque, et qui se fait continuellement rembourser ses avances avec les recettes de l’album suivant. Les labels s’arrangent souvent pour qu’à chaque nouvel album, l’avance soit supérieure aux recettes du précédent, de façon à ce que les artistes touchent le moins possible et soient obligés de continuer à enregistrer chez eux. C’est le cercle infernal.
30 Seconds To Mars dénonce aussi le plan social chez EMI qui a conduit à licencier « tous les gens que nous connaissons et aimons« , la volonté d’EMI de mettre de la publicité sur leur site Internet, ou le fait que la maison de disques soit propriétaire de 100 % des enregistrements réalisés par le groupe.
Dans l’ancien monde où les médias et les maisons de disques étaient étroitement liés, où l’on accédait pas aux uns sans signer chez les autres, les artistes n’avaient pas d’autres choix que d’accepter ces contrats intolérables. Mais aujourd’hui, où les groupes peuvent se faire connaître par Internet, où la force du bouche à oreille est démultipliée par les réseaux sociaux, la donne n’est plus la même. D’où l’empressement que mettent les maisons de disques à fermer tous les sites qui ne respectent pas leurs règles, et à s’attaquer aux technologies qui permettent la libre diffusion et la promotion de la musique.
Et pourtant, il y aura forcément encore un communiqué du SNEP, de l’IFPI ou de la RIAA dans les prochaines semaines pour affirmer que les maisons de disques défendent les intérêts des artistes contre les méchants internautes, et qu’il est vital de protéger leurs droits davantage… Et le législateur, plutôt que de s’attaquer à ces spoliations organisées, écoutera encore religieusement les complaintes des lobbys, au nom de la protection d’artistes qui pour la plupart n’ont rien demandé.
Mais un jour, forcémment, le vent tournera. Vers une tempête.
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