Mise à jour 11h58 : l’amendement 138 a été adopté sous une forme légèrement modifiée peu avant midi. Il faudra analyser les conséquences exactes du texte adopté en définitif, mais il semble bel et bien condamner la possibilité d’imposer la riposte graduée dans la prochaine loi Création et Internet.
Mise à jour 13h30 : Le député Guy Bono co-signataire de l’amendement s’est félicité de la mise à mort de la riposte graduée.
Les eurodéputés se prononcent ce mercredi en session plénière du Parlement Européen sur le paquet télécom, qui a pour objectif avoué de « faciliter la concurrence et de renforcer les droits des consommateurs » dans le secteur des télécommunications. Le paquet comprend quatre rapports dont le contenu fixera les contours de la législation européenne : un rapport sur la directive sur le droit d’initiative, qui traite des droits des utilisateurs de télécommunications, de leurs données personnelles et vie privée ; un rapport sur les communications électroniques, qui aborde la nouvelle génération de réseaux de télécommunications ; un rapport sur la création d’un organe des régulateurs européens des télécommunications ; et un rapport sur la révision de la Directive sur les téléphones portables.
Le rapport sur les communications électroniques dirigé par l’ancienne ministre de la Culture socialiste Catherine Trautmann fait l’objet de toutes les attentions de la part des internautes. Il a en effet le pouvoir de couper les pattes de la riposte graduée, ou au contraire de lui donner une légimité selon la teneur des débats et le résultat du vote qui sanctionnera en particulier l’amendement 138 déposé par les eurodéputés Guy Bono, Daniel Cohn-Bendit (photo ci-dessous), et Zazana Roithová.
L’amendement, noyé sous plus de 800 demandes de corrections du paquet télécom, dispose en effet que doit être respecté « le principe selon lequel aucune restriction ne peut être imposée aux droits et libertés des utilisateurs finaux, notamment dans le respect de l’article 11 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne concernant la liberté d’expression et d’information, sans arrêt préalable des autorités judiciaires, sauf lorsque cette restriction est dictée par une force majeure ou par les exigences de la préservation de l’intégrité et de la sécurité des réseaux, et soumise à des dispositions nationales de droit pénal imposées pour des raisons d’ordre public, de sécurité publique ou de moralité publique« .
En plus clair, cet amendement ferait interdiction aux états membres de priver les internautes de leur liberté d’accès à Internet, donc de couper leur abonnement, sans un ordre émis par l’autorité judiciaire. Or le projet français porté par le projet de loi Création et Internet vise à créer une autorité administrative qui, extérieure à l’ordre judiciaire, ne pourrait fonctionner sans être illicite au regard du droit européen. L’amendement 138 sanctuarise la place prédominante de la police et de la justice dans la mise en œuvre du respect des lois sur Internet.
Ce principe du pouvoir exclusif de l’autorité judiciaire est contesté par l’industrie culturelle, qui dans une lettre adressée le mois dernier au Parlement européen prétend qu’une « telle suggestion, loin d’être idéale pour tous, ne prend pas en compte les ressources limitées des forces de l’ordre et les priorités de la justice criminelle« . « Souhaitons-nous réellement que le recours aux forces de police constitue la seule issue pour résoudre les conflits et différends sur Internet ?« , demandaient les ayants droit.
Ils auront une réponse dans la journée.
Par ailleurs, l’amendement 138 renforce le principe de la neutralité du net, en disposant que « les utilisateurs finaux doivent pouvoir accéder à tout contenu et en diffuser, et utiliser toute application et/ou service de leur choix, sous réserve de dispositions nationales de droit pénal imposées pour des raisons d’ordre public, de sécurité publique ou de moralité publique. »
Les députés européens se sont déjà prononcés contre la riposte graduée en avril 2008, mais par le vote d’une résolution politique qui n’a pas de force juridique dans l’ordre normatif européen. La ministre Christine Albanel avait d’ailleurs immédiatement balayé l’importe du texte. Le vote d’un amendement au paquet télécom aurait, cette fois-ci, un caractère contraignant pour l’ensemble des états membres.
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