« We are not evil ». Tout le monde connaît le célèbre moto de la firme de Mountain View, qui doit s’employer chaque jour à convaincre le public de son bienfondé. Il est vrai qu’avec sa position ultra-dominante sur le marché du moteur de recherche, avec ses applications en ligne très populaires mais contestées pour le respect à géométrie variable de la vie privée, ou avec ses services publicitaires qui lui rapportent chaque année des milliards de dollars de chiffre d’affaires et en font une entreprise phare du capitalisme mondial, Google a parfois du mal à convaincre qu’il « n’est pas diabolique ». Beaucoup d’observateurs se méfient au moins autant aujourd’hui de l’empire jean-baskets de Google que de l’empire costard-cravate de Microsoft.
C’est donc aussi bien pour cultiver son image d’alter-capitaliste que dans un souci réel et honnête d’améliorer le sort de la planète et de ses habitants que Google a lancé, pour fêter ses dix ans, le Projet 10100 (« dix puissance cent »). Ce projet « fait appel à vos idées pour changer le monde en venant en aide au plus grand nombre« , explique la firme. Elle investira 10 millions de dollars pour mettre en œuvre les meilleures idées qui devront être envoyées avant le 20 octobre.
Les internautes du monde entier sont ainsi invités à soumettre sur le site officiel des idées les plus simples qui ne nécessitent aucun développement technologique aux idées les plus complexes qui exigent davantage de moyens humains et financiers. Elles peuvent concerner l’énergie, l’environnement, la santé, le logement, l’éducation, la vie en communauté, ou tout autre chose, pourvu qu’elles aident concrètement et rapidement à améliorer le quotidien d’un maximum de personnes. Google donne ainsi en exemple le Hippo Water Roller, une sorte de baril en forme de roue qui permet aux populations dépourvues d’eau courante de transporter beaucoup plus facilement jusqu’à 90 litres d’eau en poussant simplement les poignées.
Les idées sont libres, mais les candidats doivent décrire de façon concise leur idée et répondre à quelques questions simples. « Quel problème votre idée permet-elle d’aborder », « Si votre idée devenait réalité, qui en bénéficierait le plus et pourquoi », « Quelles sont les étapes préliminaires requises pour lancer cette idée », etc. Autant de questions clés qui sont les préalables à toute étude de marché.
De là à dire que Google a l’intention voilée de se servir du projet pour déceler et embaucher de nouveaux talents du marketing capables de concevoir un projet innovant et de l’exposer clairement de bout en bout, il n’y a qu’un pas. C’est déjà dans cet esprit de chasseur de tête que la firme de Mountain View organise chaque année son Google Summer of Code qui lui permet de traquer les meilleurs développeurs du monde entier.
Pour désigner les cinq idées qui seront financées, les équipes de Google sélectionneront d’abord 100 idées qui seront révélées et soumises au vote du public à partir du 28 janvier 2009. Les internautes devront alors retenir 20 idées, avant une sélection finale réalisée par un comité consultatif de cinq à sept personnes choisies pour leur expertise dans les domaines concernés. Les idées seront retenues en fonction de cinq critères : le nombre de bénéficiaires concernés, l’impact, la faisabilité, l’efficacité et la longévité.
En pleine crise financière mondiale et particulièrement aux Etats-Unis, est-ce déjà une manière de dessiner les traits d’un nouveau capitalisme… humaniste ?
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