Tous unis derrière la même religion du droit d’auteur et du contrôle d’Internet. Ca ne sont déjà pas les lobbys qui manquent pour lutter contre le piratage sur Internet, dans tous les domaines culturels et industriels. La musique (IFPI), le cinéma (MPA), le logiciel (BSA) et le jeu vidéo (ESA) ont déjà tous leur propre lobby international, avec chacun leurs branches nationales, et d’autres rassemblent tous ces domaines au sein d’une même organisation, comme la Copyright Alliance.
Mais comme il n’y en avait sans doute pas encore assez, AT&T, Microsoft, Cisco, Viacom, NBC Universal et la Ligue des Auteurs d’Amérique (Songwriters Guild of America, SGA) ont décidé de créer encore un nouveau lobby baptisé « Arts+Labs« , qui devrait plus spécifiquement militer pour la protection des droits d’auteur à travers le combat contre contre la neutralité du net. Et puisque ce combat demande une forte activité de lobbying sur Washington, l’organisation s’est assurée de mettre à sa tête des hommes d’influence au carnet d’adresse rempli.
L’organisation est ainsi co-présidée par Mike McCurry (photo ci-contre), un homme politique démocrate de plus de 25 ans d’expérience au haut niveau de l’Etat, qui était jusqu’à très récemment directeur du groupe de pression « Hands Off The Internet », formé par des industriels des télécoms pour défendre l’idée que l’on puisse choisir les contenus qui méritent le plus de bande passante ou les protocoles qui doivent être bridés ou bloqués. Le groupe est également co-présidé par Mark McKinnon, l’ancien conseiller de communication républicain responsable des campagnes électorales de George Bush et John McCain.
Le lobby Arts+Labs rassemble ainsi des industriels qui souhaitent défendre la mise en valeur de leurs créations (Viacom, NBC Universal, Microsoft et la SGA) et celles qui veulent vendre des routeurs et des solutions de filtrage pour favoriser la diffusion de ces créations et contrer le piratage (AT&T, Cisco). Une telle alliance arrivera aussi nécessairement en France, d’autant que deux des trois principaux fournisseurs d’accès à Internet, Orange et Neuf Cegetel, ont désormais des intérêts financiers directement liés à des productions audiovisuelles. Orange et sa maison mère France Telecom se sont en effet lancés dans la production de films ou l’exploitation de droits sportifs, tandis que Neuf Cegetel est une filiale du groupe Vivendi, la maison-mère d’Universal Music Group et de Vivendi Games. Ils devraient au passage trouver le soutien du gouvernement français, qui souhaite déjà filtrer Internet sous prétexte de protéger les enfants.
Lutte contre le piratage et lutte contre le spam, même combat
« Un élément clé de la mission de Arts+Labs est d’informer et d’éduquer les consommateurs sur la disponibilité d’une vaste gamme de contenus de divertissement légaux, sûrs, abordables et innovants sur Internet« , explique le nouveau lobby. Et si jamais cette mission d’information et d’éducation n’était pas suffisante pour convaincre les consommateurs de se détourner du piratage, le groupe a déjà trouvé l’angle d’attaque pour imposer le filtrage sur les réseaux. En effet, Arts+Labs précise qu’il souhaite également « faire davantage prendre conscience du problème croissant de la pollution du réseau, ce qui comprend les virus, les malwares, les attaques de hackers, les spams, les échanges illicites de fichiers, et d’autres activités qui menacent de dégrader l’expérience de l’utilisateur d’Internet« .
Le lobby entend imposer des mesures de filtrage sur Internet « dans l’intérêt du consommateur », qui pourtant n’a rien demandé, si ce n’est la survie de Napster.
Ce n’est d’ailleurs pas tout à fait un hasard si l’un des premiers billets du blog officiel de Arts+Lab salue chaleureusement le lancement de MySpace Music, dont on a vu qu’il s’agissait d’une tentative des majors du disque d’évincer les labels indépendants et les artistes autoproduits des offres musicales les plus populaires, pour préserver leurs parts de marché et contrôler l’offre. Grâce au filtrage, les industriels pourront bloquer les services qui proposent illégalement les catalogues des majors, pour forcer les internautes à se diriger vers la poignée de services légaux pour lesquels des accords ont été négociés.
Ils pourront aussi choisir d’accorder plus de bande passante aux services audio ou vidéo partenaires (comme Myspace Music, Hulu, Amazon MP3, etc.), et de ralentir au contraire les services qui n’ont pas les moyens de payer la dîme et qui sont les plus consommateurs de bande passante. Le consommateur, naturellement, se dirigera vers les services les plus rapides.
Après les jours de l’internet illimité, ce sont ainsi les jours de l’internet neutre qui sont comptés.
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