Les tacles viennent parfois de son propre camp. On pourrait s’attendre à ce qu’entre organisations dédiées à la lutte contre la piratage soit déclarée l’union sacrée autour du projet gouvernemental de la loi Création et Internet, qui doit instaurer la riposte graduée en France. Mais non. Alors que le président de la SACD conseillait cette semaine au député européen anti-riposte graduée Guy Bono « un bon traitement psychiatrique adapté au délire paranoïaque » parce qu’il comparait le fichage prévu pour l’Hadopi au fichier Edvige, les réservations de chambres d’internement se remplissent avec des gens pourtant favorables à la lutte contre le piratage, habitués à travailler pour et avec les industries culturelles.

« Si on veut mettre un fichier avec les internautes, et qu’on va blacklister toute une famille…c’est disproportionné, mais peut être est-ce la solution la plus à même pour répondre aux problèmes ? Si cette riposte graduée ne donne pas de résultat, cependant, il faudra bien qu’on trouve un fautif avec cette loi plus ou moins liberticide avec un fichier plus important qu’Edvige. Et qui sera fautif ? Ce sera le législateur !« , prévient ainsi Mathieu Gaudet, le porte-parole de la société anti-piratage CoPeerRight Agency, dans une interview à PC Inpact. Défavorable également au filtrage des protocoles de P2P, la société préconise assez étrangement la mise en place d’un filtrage des URL menant à des contenus piratés, sans passer systématiquement par une procédure judiciaire.

« Nous savons que techniquement c’est faisable, explique M. Gaudet. En tout état de cause, qu’est-ce qui est plus important au jour d’aujourd’hui ? La liberté individuelle des administrateurs de ces sites pirates, ou les internautes ? Nous, on préfère ne cibler que ces sites et brasser quelques IP ou URL plutôt que d’autres techniques qui vont brasser des millions d’adresses IP pour des résultats pas efficaces et plus chers.« 

La mise en place d’un filtrage par URL est cependant elle aussi soumise à de nombreuses contestations. En premier lieu, si ce n’est un juge qui a le devoir d’impartialité et qui obéit à des règles de procédure très strictes dont celles du débat contradictoire, qui peut avoir le pouvoir de décider de placer un site ou une page sur une liste d’URL blacklistées ? Il faudrait obligatoirement que des lignes de conduite très précises soient définies qui seront nécessairement soit trop laxistes et donc insatisfaisantes pour les ayants droit, soit trop strictes et donc dangereuses pour les libertés individuelles.

De plus, ce genre de méthodes de filtrage, une fois mises en place, ne demandent qu’à être étendues par décret à d’autres champs de sites Internet et de contenus prohibés. Même si le gouvernement a déjà l’intention d’imposer un tel filtrage pour les contenus pédopornographiques ou à vocation terroriste, la perspective de voir la liste s’allonger au fil des années et rogner progressivement sur la liberté d’expression doit inciter, au grand minimum, à la prudence.

L’un des seuls pays au monde à pratiquer le filtrage des URL est la Chine, qui n’est pas un exemple à suivre.

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