Le feuilleton de la riposte graduée est décidément riche en rebondissements. La presse s’est faite largement l’écho cette semaine du revers de la main adressé à Nicolas Sarkozy par le Président de la Commission Européenne Jose-Manuel Barroso, qui a envoyé balader sa demande de retrait de l’amendement 138 anti-riposte graduée. Mais le communiqué qui lui était attribué n’aurait pas dû être rendu public, selon des informations rapportées par Emmanuel Berreta dans Le Point. « José Manuel Barroso a piqué une colère noire en découvrant qu’un communiqué de la Commission européenne avait été mis en ligne sans son consentement et sans que les autres commissaires européens se soient concertés« , écrit le journaliste.
En fait, le document fort peu agréable pour le Président français aurait été mis en ligne par Martin Selmayr, le porte-parole de la Commissaire européen Viviane Reding (photo ci-contre). Ce qui explique sans doute au moins en partie pourquoi elle a retourné sa veste et a décidé de ne pas se rendre aux Rencontres cinématographiques de Dijon, où les lobbys l’attendaient de pieds fermes. « Confus, choqué, désolé, José Manuel Barroso a fait prévenir, par son cabinet, Pierre Sellal, représentant permanent de France à Bruxelles, que le communiqué diffusé à son insu ne reflétait pas la position de la Commission« , rapporte Emmanuel Berretta. Barroso parle de « dysfonctionnement grave », de « violation des procédures internes de collégialité », et même d’ « irresponsabilité ». Etrangement, Barroso n’a toutefois pas publié de démenti officiel. Il devrait se contenter d’organiser dans les règles une concertation des commissaires européens, pour arrêter une position sensiblement identique, en des termes sans doute plus délicats pour Nicolas Sarkozy. Plus diplomatiques.
Mais la véritable information apportée par le Point concerne la nouvelle stratégie qu’aurait à coeur d’adopter la France pour réussir à faire sauter l’amendement 138 sans en avoir l’air. Puisqu’il serait mal venu de viser spécifiquement un amendement adopté sans ambiguïté par 88 % des parlementaires européens, la France serait en train d’étudier la possibilité de demander que l’ensemble des dispositions relatives au droit d’auteur qui se sont glissées dans le Paquet Télécom soient retirées. Toute une charrette d’amendements serait ainsi exclue du texte définitif, parmi lesquels l’amendement 138… qui ne parle pourtant pas de droit d’auteur mais simplement de respect des droits fondamentaux des internautes.
Rappelons que c’est pourtant en grande partie sous la pression des autorités françaises et des lobbys culturels que des dispositions sur la protection des droits d’auteur ont été ajoutées au Paquet Télécom, contre l’avis des groupes de défense des intérêts des consommateurs et des citoyens. Mais parce que les débats n’ont pas abouti aux dispositions souhaitées par la France, elle souhaite désormais que l’on revienne à un débat essentiellement technique en effaçant l’ensemble des dispositions périphériques. Elles reviendront alors dans quelques mois épurées de l’amendement 138, dans le cadre de la recommandation « Contenu en ligne » qui sera mieux adaptée. Un délai qui pourrait permettre aux lobbys de s’activer à nouveau pour éviter qu’un nouveau 24 septembre ne se produise.
La ministre de la Culture Christine Albanel, qui ne devrait pas résister au probable remaniement ministériel puisqu’elle est désormais dans le collimateur de Nicolas Sarkozy pour sa gestion désastreuse du dossier, semble avoir été mise à l’écart. C’est en effet Luc Chatel, le secrétaire d’Etat chargé de l’Industrie et de la Consommation, qui a désormais en charge de convaincre Viviane Reding d’appliquer cette nouvelle stratégie.
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