Le torchon brûle entre le gouvernement et Free. Xavier Niel, le directeur général délégué de la maison-mère Iliad, et principal actionnaire du FAI, a inscrit sa signature sur la pétition du magazine SVM déjà signée par plus de 35.000 internautes, responsables politiques, associations, artistes, experts techniques ou juridiques ou encore journalistes. Voilà qui officialise un revirement opéré au cours de l’été par le deuxième plus gros fournisseur d’accès à Internet du pays.

C’est en effet en plein mois de juillet, pendant que les internautes et les membres du gouvernement préparaient leur vacances ou s’enduisaient déjà de crème solaire, que Xavier Niel a lâché une première fois son venin contre le projet de loi Hadopi, depuis rebaptisé « Création et Internet ». « Economiquement, cela n’a aucun impact sur nous, mais certaines de ses dispositions nous paraissent liberticides. Car ce qui se dessine, en dépit de l’opposition de la Commission nationale de l’informatique et des libertés, du Conseil d’état et du parlement européen, c’est bel et bien le flicage systématique de nos abonnés« , condamnait le patron du fournisseur d’accès.

Les observateurs et les partisans de la loi ont eu beau jeu de rappeler que Free avait pourtant signé fin 2007 les accords de l’Elysée négociés par Denis Olivennes, qui prévoyaient explicitement le mécanisme de la riposte graduée. Par cette signature, le FAI se serait engagé à soutenir le projet de loi. Mais c’est cette fois au coeur du mois d’août que Xavier Niel a décoché sa deuxième flèche pour mettre rapidement un terme à l’argument. « Personnellement, moi j’ai signé une feuille blanche, dans laquelle tout le monde croit qu’il a signé des choses différentes« , assure Xavier Niel au cours d’une conférence de presse dans laquelle il condamne les méthodes employées par l’ancien patron de la Fnac. « On a finalement découvert (le texte définitif) dans le communiqué de presse du soir même« .

Free est passé dans l’opposition. S’il a signé les accords Olivennes en 2007, c’est qu’il croyait encore possible d’accéder à la quatrième licence 3G. Ca ne devait même plus être qu’une simple formalité administrative.

Mais l’improvisation de Nicolas Sarkozy est passé par là.

Quelques semaines après les accords de l’Elysée, Nicolas Sarkozy annonce sans que personne ne soit au courant, pas même Christine Albanel ou le patron de France Télévisions, que la publicité devra être retirée des chaînes de télévision publique. Et puisqu’il n’est pas question d’augmenter la redevance, le tout sera financé par une taxe sur la publicité des chaînes privées et sur les opérateurs de télécoms. C’est la stupeur, mais il faut mettre en branle le chantier. Il est décidé qu’une taxe de 0,9 % sur les FAI et opérateurs mobiles serait appliquée pour équilibrer le budget de France Télévision. Mais le gouvernement réalise que si Free fait son entrée sur le marché du mobile, une guerre des prix aura lieu qui fera plonger le chiffre d’affaires global des opérateurs mobiles, et par voie de conséquence les recettes attendues par la taxe. Faire entrer davantage de concurrence sur le marché des télécommunications mobile, c’est mettre en danger l’équilibre budgétaire de l’audiovisuel public. Même si l’interaction entre les deux variables est politiquement absurde, elle est une réalité financière créée par le projet de loi sur la réforme de l’audiovisuel que Nicolas Sarkozy ne veut pas abandonner.

Il est donc décidé dans les bureaux de l’Elysée que Free, malgré sa collaboration arrachée à bout de bras sur la loi Hadopi, n’aura pas la quatrième licence 3G qui lui était promise. Le fournisseur d’accès à Internet, qui n’a plus rien à attendre du gouvernement, sait désormais que ses chances sont nulles. Et il se venge.

Christine Albanel ne pourra plus, devant les députés et les sénateurs, prétendre que son projet de loi Création et Internet est le fruit d’un consensus.

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