Il y aura bien un procès des éditeurs de logiciels de P2P en France. La Société Civile des Producteurs de Phonogrammes en France (SPPF), qui représente les labels indépendants, annonce que le Tribunal de grande instance de Paris a rejeté l’exception d’incompétence territoriale qu’avaient soulevé les sociétés Vuze (anciennement Azureus), Sourceforge/Shareaza, et LimeWire. Les sociétés, qui avaient été assignées en 2007, pourront donc être jugées en France, suite à trois ordonnances rendues les 10 septembre, 15 octobre et 29 octobre 2008.
La SPPF s’appuit pour son action sur l’amendement Vivendi. Voté par le Parlement dans le cadre de l’examen de la loi DADVSI, et retranscrit à l’article L.335-2 du Code de la Propriété Intellectuelle, cet amendement fait un délit pénal le fait « d’éditer, de mettre à la disposition du public ou de communiquer au public, sciemment et sous quelque forme que ce soit, un logiciel manifestement destiné à la mise à disposition du public non autorisée d’œuvres ou d’objets protégés« . La justice française devra donc dire si ces logiciels de P2P américains ont été « manifestement » conçus dans le but de diffuser des fichiers piratés.
Si l’argument peut éventuellement se défendre pour Vuze et Limewire, l’affaire paraît bien plus mal embarquée pour Shareaza. Se rendant compte que le logiciel open-source a été créé par un particulier et par une communauté de développeurs diffuse, la SPPF a assigné Sourceforge, qui est simplement hébergeur du logiciel.
Par ailleurs, poursuivi pour les mêmes faits aux Etats-Unis par la RIAA, sur la base d’une jurisprudence aux critères relativement proches, Limewire n’a toujours pas été condamné… et semble même en passe de gagner son procès. Quant à Azureus, il a changé de nom pour Vuze en ouvrant une plateforme légale de VOD, ce qui rend son assignation assez incongrue.
« Les juges Français ont considéré qu’ils étaient pleinement compétents dans la mesure où la SPPF avait démontré un lien substantiel entre les faits dommageables allégués et le dommage subi en France par ses membres, par la production de procès-verbaux constatant que des phonogrammes relevant de son répertoire étaient échangés par des Internautes situés en France grâce à ces logiciels P2P« , indique la SPPF.
Mais le plus dur reste à faire, puisqu’il faudra non plus seulement démontrer un dommage éventuel sur le territoire français, mais démontrer que le dommage a véritablement résulté d’une volonté manifeste et certaine de faciliter l’échange de fichiers piratés. Il faudra des preuves tangibles qui incriminent non pas seulement les utilisateurs, mais les éditeurs de ces logiciels.
Un procès passionnant en perspective, qui peut soit libérer les éditeurs de P2P français en cas de victoire de leurs homologues américains… ou totalement brider l’innovation française dès lors qu’une invention touche au droit d’auteur.
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