Les producteurs de musique et de cinéma se sont réunis à l’initiative de l’UMP et du ministère de la Culture autour des Assises de la Création, organisées dans la plus grande confidentialité pour préparer notamment les débats sur le projet de loi Création et Internet. En ne les invitant pas, ils ont jugé que les représentants du public et des professionnels d’Internet n’étaient pas utiles à la réunion. Ils estiment probablement qu’ils n’ont pas besoin d’Internet, en oubliant que c’est peut-être Internet qui, un jour, n’aura plus besoin d’eux.

Ca n’aura pas traîné. Le député et porte-parole de l’UMP Frédéric Lefebvre avait lancé fin septembre l’idée d’organiser des Assises de la Création, pour préparer « des textes essentiels [qui] vont venir en discussion : projet de loi sur l’audiovisuel et projet de loi sur les droits d’auteur, et alors que vont être préparés les décrets sur la production qui remplaceront les décrets Tasca« . On pensait depuis que le projet était resté au simple stade de l’idée, puisque rien ne semblait avoir été organisé. Mais en fait, si. Les Assises de la Création ont déjà commencé, en catimini.

C’est Electron Libre qui nous l’apprend. Les Assises de la Création se sont tenues le vendredi 14 novembre au théâtre du rond point, avec « un large panel d’hommes politiques, d’artistes et de représentants des industries de la culture« . Se trouvaient ainsi les traditionnels représentants de l’industrie du disque (Hervé Rony et Christophe Lameignère pour le SNEP, Pascal Nègre pour Universal Music, Vincent Frèrebeau pour les indépendants, Enrico Macias pour la photo…), et du cinéma (les lobbyistes Pascal Rogard et Frédéric Goldsmith, les producteurs Luc Besson et Dominique Farrugia, les acteurs Alain Attal et Daniel Prévost…). Quelques représentants du monde de l’édition, et bien sûr Frédéric Lefebvre, l’animateur de la soirée, accompagné par Christophe Tardieu, le directeur adjoint du cabinet de Christine Albanel. Les représentants du public ou des fournisseurs d’accès à Internet, dont il fut beaucoup question, n’étaient pas conviés.

Sans opposition, ce fut donc un dialogue à sens unique, avec quelques tirades relevées par notre confrère. « Internet peut être comparé au Far-west« , chauffe ainsi Frédéric Lefebvre, qui inspire aussitôt Luc Besson (photo ci-dessus) : « on a l’impression d’être les indiens et de se faire décimer« . 12 millions d’Indiens ont été décimés par les colons lorsqu’ils ont débarqué en Amérique. La comparaison n’est pas exagérée, on ne compte déjà plus les morts parmi les artistes. Songez-donc à Henri Salvador, qui nous a quitté trop tôt. Dans l’une de ses dernières apparitions publiques, il mettait en garde contre les dangers du piratage. Qui sait si on l’avait écouté, s’il ne serait pas parmi nous aujourd’hui.

Le même Luc Besson est prêt à faire des efforts considérables pour ramener le délai de la VOD à trois mois après la sortie en salle. Mais « nous ne sommes pas prêts. Il faut un délai de un à deux ans« , prévient-il. En revanche, lorsque les FAI disent qu’ils ne sont pas prêts à déconnecter tout de suite les utilisateurs à la demande de l’Hadopi, il assure que « les opérateurs savent déjà le faire« , et que « en réalité, ils auraient besoin de trois semaines« .

En fin de compte, c’est Enrico Macias qui résume le mieux la conclusion de cette première journée des Assises de la Création : « ce n’est pas à nous artistes de nous adapter à Internet, mais l’inverse, à Internet de s’adapter à nous« .

Il a raison.

Internet s’adapte déjà. Il s’adapte d’un côté par le développement des réseaux P2P cryptés, des newsgroups, des services de téléchargement gratuits, ou encore des pièges tendus aux chasseurs de pirates. Et il s’adapte de l’autre par la création de musique libre et de cinéma libre, qui pourraient exploser dans les prochaines décennies si la pression devenait trop forte sur la création traditionnelle. Internet s’adaptera toujours. Les artistes aussi. Mais peut-être pas Enrico.

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