Christine Albanel a répété à de nombreuses reprises que l’amendement 138 adopté par 88 % des députés européens n’avait aucune incidence selon elle sur la viabilité du projet de loi Création et Internet. Tellement peu d’incidence et tellement peu d’importance politique qu’elle a même pris de la peine de publier un communiqué consacré exclusivement au retrait de l’amendement 138 par les Etats membres de l’Union européenne, dont elle se félicite. Logique.
Elle ne dit rien, en revanche, de la gifle donnée par la Commission Européenne à son projet de loi.
« Christine Albanel, ministre de la Culture et de la Communication, se félicite que tous les Etats membres de l’Union européenne soient tombés d’accord pour retirer l’amendement n°138 ( dit » amendement Bono « ) du Paquet Télécom« , indique le communiqué. « A l’occasion de l’examen du Paquet Télécom, les 27 ministres européens des télécommunications se sont accordés pour retirer l’amendement n°138, adopté le 24 septembre dernier par le Parlement européen à l’initiative du député socialiste français Guy Bono« , rappelle-t-elle.
Contacté par Numerama, Guy Bono précise cependant que « la Présidence française a éludé tout débat sur l’amendement 138. En effet, elle a présenté au Conseil des ministres en charge des Télécoms un texte qui ne comprenait pas cet amendement de sorte qu’il n’a pas été intégré dans le champ des discussions au Conseil« . Les autres Etats européens n’ont donc pas voté pour le retrait de l’amendement, mais pour un texte global dans lequel la France avait préalablement retiré l’amendement. « C’est une décision unilatérale de la Présidence Française qui n’a pas voulu débattre d’un amendement voté par plus de 88% des députés du Parlement européen et qui a été accepté par la Commission européenne« , s’offusque l’eurodéputé.
L’amendement Bono, qui devrait faire son retour en seconde lecture sous une forme plus précise, posait le principe selon lequel « aucune restriction aux droits et libertés fondamentales des utilisateurs finaux ne doit être prise sans décision préalable de l’autorité judiciaire en application notamment de l’article 11 de la charte des droits fondamentaux, sauf en cas de menace à la sécurité publique où la décision judiciaire peut intervenir postérieurement« . Concrètement, il devait interdire de prononcer la suspension de l’abonnement à Internet par une simple décision administrative.
Un combat pour le débat démocratique à géométrie variable
Fidèle à sa ligne directrice, Christine Albanel « tient toutefois à préciser que le texte de l’amendement n°138, qui se bornait à rappeler des principes très généraux, n’ajoutait rien au droit existant« . D’où l’intérêt sans doute de manifester publiquement son soulagement de le voir retiré. « Par l’imprécision de ses termes qui se prêtaient à toutes les manipulations, l’amendement constituait une source de confusion préjudiciable au bon déroulement du débat démocratique que les Européens et les Français attendent sur la question du piratage« , s’explique Christine Albanel.
Il est toutefois assez comique de mettre en avant « le bon déroulement démocratique » lorsque un amendement voté par 88 % de la représentation du peuple européen est supprimé par des ministres nommés par les gouvernements, contre l’avis de la Commission européenne. Chacun voit probablement la démocratie où il l’entend.
« A cause de l’amendement n°138, la défense des libertés, auxquelles le projet de loi Création et Internet ne porte aucune atteinte, a pu servir de paravent à un combat d’arrière-garde, livré au détriment des artistes et des industries culturelles qui représentent des centaines de milliers d’emplois dans notre pays« , juge encore Christine Albanel, qui se trompe à nouveau dans les chiffres. Assimiler la défense des libertés à un combat d’arrière garde en fera sursauter plus d’un. C’est dire le glissement des valeurs opéré par le gouvernement.
A la manière d’un George Bush qui oppose l’axe du Mal à l’axe du Bien, la ministre estime que « les choses sont désormais claires et les ennemis des créateurs devront se battre à découvert« .
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