Ça n’est probablement pas une étude qui sera citée par la ministre de la Culture Christine Albanel, lorsqu’elle se présentera devant les députés pour défendre son projet de loi Création et Internet. Sans doute préférera-t-elle, comme elle l’a fait au Sénat, citer les chiffres alarmistes fournis par les lobbys du cinéma et de la musique. Et pourtant. Selon les résultats d’une version préliminaire (.pdf) d’une étude universitaire qui sera publiée début 2009, les utilisateurs de réseaux P2P sont aussi ceux qui achètent le plus de DVD et qui sont le plus disposés à payer pour une offre de vidéo légale.
Sylvain Dejean, Thierry Penard et Raphaël Suire, trois chercheurs de l’Université de Rennes membres du projet P2PImages, ont ainsi mené une étude d’envergure auprès d’un échantillon représentatif de la population bretonne. 2.000 personnes ont été interrogées pour les besoins de l’enquête réalisée pour le Pôle Amoricain de Recherche sur la Société de l’information et les Usages d’Internet (Marsouin), financée par la Région Bretagne.
L’étude montre que plus des deux tiers des internautes (67%) n’ont aucune pratique de consommation de vidéos sur Internet, mais qu’il y a de fortes disparités générationnelles. « 76% des internautes de moins de 20 ans regardent des vidéos en ligne (48% au moins une fois par semaine) contre seulement 24% pour les 30-40 ans et 16% pour les plus de 50 ans« , rapportent ainsi les chercheurs. « Parmi les individus qui regardent des vidéos sur l’Internet, 64% déclarent connaître et utiliser les sites de partage vidéo comme YouTube et Dailymotion, 35% utiliser les sites des médias traditionnels (TF1.fr, France Télévision, …) et 21 % utiliser les réseaux peer-to-peer« .
Or ce sont justement ces derniers qui consomment le plus de vidéos payantes. Sylvain Dejean et ses co-auteurs rappellent que selon le discours ambiant, les « internautes téléchargeurs auraient tendance à substituer du contenu légal payant par du contenu illégal gratuit et seraient les premiers responsables de la crise que connaissent actuellement les industries culturelles« . Or ils constatent que leur enquête donne « une vision un peu différente des choses« . C’est peu dire.
« Les individus qui ont déclaré avoir déjà téléchargé un bien culturel sur un réseau P2P consomment en moyenne plus de contenu audiovisuel payant que les internautes qui déclarent simplement regarder des vidéos sur l’Internet » sans aller sur les réseaux P2P, constatent ainsi les chercheurs. 31 % des P2Pistes achètent un DVD au moins une fois par mois, contre 22 % des internautes qui regardent des vidéos en ligne par d’autres moyens. 45 % vont au cinéma au moins une fois par mois, contre 34 %. « Il paraît donc pour le moins excessif de qualifier les utilisateurs de P2P de » pirates » ou de » radins » dès lors que leurs pratiques de consommations payantes se révèlent en moyenne supérieures au reste des internautes« , estiment les auteurs.
Un plus fort consentement à payer chez les P2Pistes
L’étude bretonne montre également que les utilisateurs de réseaux P2P n’ont pas la quête absolue de la gratuité, souvent fustigée par les industries culturelles et les autorités publiques. « La mise en place d’une offre légale payante de vidéos comme alternative aux téléchargements illégaux sur les réseaux P2P se heurte inévitablement à la question du consentement à payer des adeptes du P2P« , concèdent les chercheurs. Or, « encore une fois les réponses vont à l’encontre des arguments qui assimilent téléchargeurs et pirates« .
52 % des utilisateurs de P2P disent être prêts à payer plus cher leur abonnement à Internet pour avoir accès à des programmes inédits, alors qu’ils ne sont que 25 % pour le reste des internautes qui regardent des vidéos sur Internet. De même, 45 % des P2Pistes pourraient payer un surplus pour avoir accès plus rapidement aux films sortis en salle, contre 23 %.
Sur le mode de paiement, 28,6 % des P2Pistes préfèrent le paiement à l’acte, tandis que 27,4 % privilégient un forfait illimité payé d’avance. 11,9 % seulement se disent intéressés par un forfait à quantité limité. « En manifestant leur préférence pour un mode de paiement forfaitaire et un accès illimité à un catalogue de fichiers numériques, les utilisateurs des réseaux P2P montrent une nouvelle fois la nécessité d’adapter l’offre de contenus aux nouveaux comportements de consommation« , conclut ainsi l’étude.
« Les résultats de cette enquêtes incitent également à reconsidérer les modes de financement du type » licence globale » peut être trop vite abandonnés.«
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