Alors qu’il lorgne sur la rue de Valois pour succéder à Christine Albanel au ministère de la Culture, c’est au Secrétariat à l’Economie Numérique que le porte-parole de l’UMP Frédéric Lefebvre pourrait débarquer dans les prochains jours. L’ancien socialiste Eric Besson, qui occupe actuellement le poste et s’est distingué en défendant la neutralité du net et en préparant une réforme de la Commission copie privée, est préssenti pour remplacer Brice Hortefeux, lequel remplacera Xavier Bertrand au ministère du travail.
Interrogé ce lundi matin par Jean-Jacques Bourdin sur l’antenne de RMC, le député n’a pas souhaité confirmer la rumeur, ni l’infirmer. Il a assuré que pour le moment, aucun poste ne lui avait été proposé. Un faible démenti de courtoisie à l’égard d’Eric Besson qui est toujours en place.
L’annonce de l’arrivée de Frédéric Lefebvre au poste de secrétaire d’Etat en charge du développement de l’économie numérique n’aurait rien de très surprenant dans la stratégie gouvernementale. Nicolas Sarkozy, qui voue une haine à peine voilée pour le réseau, placerait à ce poste stratégique un fidèle soldat capable de mener les projets de filtrage d’Internet et de lutte contre le piratage que souhaite mettre en œuvre le Président de la République. Eric Besson, qui a soutenu du bout des lèvres le projet de loi Création et Internet par solidarité gouvernementale, serait soulagé d’un dossier avec lequel il est en profond désaccord.
Au contraire, Frédéric Lefebvre partage les vues de Nicolas Sarkozy sur le réseau mondial qu’il veut civiliser. Partisan du contrôle du net par le CSA et de la taxation du web 2.0 (dont il n’a pas su donner le moindre début de définition face à Jean-Jacques Bourdin), le porte-parole de l’UMP a dénoncé le mois dernier à l’Assemblée Nationale un « mode de communication moderne envahi par toutes les mafias du monde« . Il décrivait alors Internet comme un endroit où « les trafiquants d’armes, de médicaments ou d’objets volés et les proxénètes ont trouvé refuge« , et « les psychopathes, les violeurs, les racistes et les voleurs y ont fait leur nid« .
S’il entre au gouvernement, Frédéric Lefebvre rejoindrait Nadine Morano, qui ne manque jamais une occasion de dénoncer les perversions d’Internet et de réclamer un filtrage du net au nom de la protection des mineurs, et Michèle Alliot-Marie, qui devrait bientôt présenter un texte faisant obligation aux fournisseurs d’accès de bloquer certains sites sur simple demande.
Il pourrait aussi compter sur le soutien du spécialiste des questions militaires Jean-Claude Mallet, qui a pris officiellement la tête de l’Autorité de régulation des télécommunications (Arcep) pour imposer lui aussi une vision beaucoup plus dirigiste sur le développement des nouvelles technologies.
Si elle provoque l’aversion du côté des professionnels du net qui redoutent l’arrivée de Frédéric Lefebvre, l’annonce devrait en revanche ravir les milieux culturels. Co-président du groupe d’études sur le cinéma et la production audiovisuelle à l’Assemblée Nationale, vice-président du groupe sur la contrefaçon, et membre du groupe Internet, audiovisuel et société de l’information, le député est vicéralement attaché à la défense des droits d’auteur et à la lutte contre le piratage.
En novembre, il a ainsi réuni les Assises de la Création pour parler notamment du projet de loi Création et Internet sans inviter ni les professionnels d’Internet, ni des représentants des consommateurs, ni les nouveaux créateurs qui sont, aujourd’hui, beaucoup plus nombreux que les créateurs traditionnels.
Il faudra, si l’annonce est confirmée, que Frédéric Lefebvre lève tous les doutes sur de possibles conflits d’intérêts. Lobbyiste de métier, il est cofondateur et actionnaire majoritaire de Perroquet institutionnel communication (Pic conseil), un cabinet de lobbying qui, selon un article de Backchich de 2006, compte parmi ses clients les groupes Bouygues et Alcatel. L’article précisait alors que les 51 % de parts étaient possédés uniquement en nue-propriété (sans la possibilité d’en tirer dividendes), mais uniquement par concession d’usufruit à un associé jusqu’au 30 juin 2007. Quid depuis ?
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