A le voir au premier abord, il a tout d’un site de musique en ligne avec pignon sur rue. Un logo travaillé façon « web 2.0 », une interface graphique léchée très agréable à naviguer, une ergonomie qui ferait pâlir certains mastodontes du commerce en ligne, un moteur de recherche rapide et pertinent… Coda.fm a tout du site soigné réalisé par une équipe de professionnels avec un budget tout droit tiré d’une levée de fonds de plusieurs millions de dollars. Mais « nous ne sommes que trois personnes« , assure le responsable de Coda.fm, qui tient à garder l’anonymat. « Deux modérateurs que j’ai recrutés sur un canal IRC (je ne sais même pas leur vrai nom), et moi, le développeur, designer, et administrateur système du site« .
Ouvert au début de l’année, Coda.fm a déjà commencé à fédérer une communauté autour de lui. Les utilisateurs ajoutent tous les jours les torrents des fichiers à partager, et une petite équipe de modérateurs bénévoles se charge de valider chacun des albums ajouté, en associant les métadonnées correspondant à chaque disque. Tous les liens de téléchargement des albums sont accompagnés de leur pochette, une critique rédigée, la date de sortie, la biographie de l’artiste, la tracklist ou les albums similaires que pourraient apprécier les utilisateurs. « En fait c’est un processus automatisé qui va chercher les informations sur quelques webservices externes, les modérateurs ont juste besoin de vérifier que les métadonnées correspondent aux descriptions et au contenu du fichier torrent« , nous explique-t-on.
« Les artistes devront réfléchir différemment et s’adapter »
Sur Coda.fm, tout est fait pour faciliter la navigation de l’utilisateur, avec de multiples entrées par genre, par artistes ou par popularité, la pré-écoute en streaming ou des flux RSS qu’il est très facile d’ajouter à un client BitTorrent compatible comme µtorrent. Le site va à l’essentiel, chaque album a un seul fichier .torrent, validé par les modérateurs. « Je suis un grand amateur de musique et j’utilise toujours BitTorrent pour avoir ma dose, mais j’ai été déçu par tous les sites publics de liens BitTorrent (comme The Pirate Bay ou Mininova, ndlr) et les trackers privés« , nous raconte le fondateur de Coda pour expliquer la génèse du site. « J’ai trouvé que l’expérience pour trouver de la musique sur les premiers était très ennuyeuse, parce qu’on est obligé de naviguer à travers un tas de résultats de recherches qui ne sont pas pertinents ou de torrrents qui sont morts, et j’en ai eu marre aussi de toutes les règles strictes de la plupart des trackers privés, et de l’élitisme d’une partie de leurs communautés« .
Il a voulu « créer un nouveau site de torrents musicaux, ouvert à chacun et qui offrirait une expérience utilisateur comparable aux meilleurs sites de commerce électronique« . C’est donc un cahier des charges très précis qu’il s’est fixé, avec une obsession en tête : la musique avant tout, avec un maximum d’informations et un minimum de clics. « J’ai pensé que beaucoup de personnes partageraient mon point de vue, et apprécieraient cette nouvelle approche de site Bittorrent pour la musique« .
En voyant le résultat, même si le site est encore très loin d’atteindre l’exhaustivité d’un iTunes, on comprend que les jours sont difficiles pour l’industrie du disque. Aucun site « légal » n’offre la même simplicité d’utilisation, avec un tel niveau de richesse éditoriale. L’annonce récente de l’abandon des DRM par les majors va indéniablement dans le bon sens (trop tardivement), mais il sera toujours très difficile pour les majors du disque de combattre leur plus redoutable concurrent : la gratuité.
Pour se convaincre du contraire, les majors du disque ont multiplié cette année à Cannes les déclarations de succès autour des sites de musique gratuits financés par la publicité, comme Deezer. C’est oublier que leur viabilité financière est encore très incertaine.
« Nous vivons une révolution dans la façon dont la musique est consommée et distribuée, et les artistes devront réfléchir différemment et accepter de prendre des risques s’ils veulent survivre, en essayant de nouvelles idées pour s’adapter aux technologies P2P qui démontrent tous les jours qu’elles ne peuvent pas être arrêtées« . Trent Reznor, qui a diffusé lui-même ses fichiers sur les réseaux P2P et réussi malgré tout à vendre beaucoup d’albums, pourrait lui donner raison.
S’il refuse de dire où il habite et où est hébergé le site, parce que « moins l’IFPI ou la RIAA en sait, mieux c’est« , le responsable de Coda.fm assure qu’il n’a « pas l’impression de faire quelque chose qui soit mal sur un plan éthique« . « Sur chaque page d’un album je met un lien pour l’acheter sur Amazon, c’est quelque chose qu’à ma connaissance, aucun autre site BitTorrent n’avait fait jusqu’à présent, et j’espère que ça témoigne d’une certaine bonne foi de notre part vis à vis des artistes et des maisons de de disques« .
Peu importe si Coda.fm est légal ou non nous dit-il, « je suis très heureux d’avoir créé quelque chose que les gens ont autant de plaisir à utiliser, et c’est quelque chose qui est au dessus de toutes les lois pour moi« .
Concevoir un service qui fasse avant tout le bonheur des clients, c’est un précepte de base que les responsables des maisons de disques ont pendant trop longtemps oubliées. Elles risquent d’en payer encore longtemps le prix, même si elles misent sur la riposte graduée pour obliger les clients à utiliser des services qu’ils ne veulent pas utiliser.
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