Le Parti Socialiste saisira le Conseil constitutionnel pour défendre l’idée que l’exercice des libertés fondamentales protégées par la Constitution est menacé par la mise en oeuvre de la suspension de l’accès à Internet, et que les droits de la défense sont bafoués par le renversement de la charge de la preuve induit par la riposte graduée. Suivez les débats sur hadopi.numerama.com A lire également : Riposte graduée : le disque dur fera foi, selon Christine Albanel

C’était prévisible après la question d’irrecevabilité défendue en vain mercredi par les députés socialistes, c’est désormais une certitude. Jeudi matin, le député socialiste Christian Paul l’a annoncé dans l’hémicycle : « nous saisirons le Conseil constitutionnel« . Comme il y a trois ans avec la loi DADVSI, le texte du projet de loi Création et Internet risque donc la censure des sages, qui s’étaient déjà opposés à la réponse graduée présentée à l’époque par Renaud Donnedieu de Vabres.

En ouverture de la deuxième journée d’examen du projet de loi instaurant la riposte graduée, la député Verts Martine Billard a défendu, à nouveau en vain, une motion de renvoi en commission pour demander qu’un travail plus approfondi soit réalisé sur les motifs et la conformité de la loi à la Constitution. Elle a rappelé notamment que le Conseil a « mis une limite aux fichiers d’infractions« , en demandant que les adresses IP ne puissent « acquérir un caractère nominatif que dans le cadre d’une procédure judiciaire« . Elle a estimé que la création d’un nouveau délit de manquement de surveillance de l’utilisation de l’accès à Internet avait pour but de « contourner la censure constitutionnelle de 2006« , mais qu’une telle obligation était « inadmissible« , parce qu’elle « introduit un retournement de la charge » de la preuve.

Après le rejet de sa demande de renvoi, les députés ont examiné de premiers amendements visant à faire de l’accès à Internet un droit fondamental qui ne peut être limité que par ordre judiciaire. Le rapporteur Frank Riester a estimé que l’accès à Internet était au mieux « une commodité essentielle« , mais pas un droit. Il a été logiquement soutenu par la ministre de la Culture Christine Albanel, qui a estimé que « ça serait aller trop loin » que de reconnaître l’accès à Internet comme un droit fondamental.

Les députés de l’opposition Jean-Pierre Brard et Martine Billard ont défendu que l’accès à Internet devait pourtant devenir un droit, comme l’électricité ou l’eau le sont devenus avec le temps. « Où est-ce que vous avez vu qu’il y avait un droit fondamental à avoir de l’eau ou de l’électricité ?« , s’est alors agacé le député UMP Jean-Pierre Dupont, qui a rappelé que celui qui achète une maison isolée en pleine montagne ne peut pas exiger l’accès à l’eau courante. « Vous nous faites perdre notre temps« , fusille-t-il.

Mais le député socialiste Christian Paul a alors rectifié le tir. « Il s’agit de savoir comment certaines libertés fondamentales peuvent s’exercer sur Internet« , explique-t-il. « Le droit d’accès à Internet c’est le nom que l’on donne aujourd’hui à la liberté de communication et oui, porter atteinte à la liberté de communication c’est porter atteinte à un droit fondamental (…) Ce n’est pas le droit d’accès à Internet (qui est en jeu), c’est comment les libertés fondamentales s’exercent et sont préservées sur Internet« . Il cite alors les droits fondamentaux à la protection de la vie privée, la liberté de communication, et les droits de la défense. « C’est un débat juridique essentiel« , a défendu M. Paul, en annonçant la saisine du Conseil constitutionnel.

« Faut-il s’en remettre à Jean-Louis Debré et à Jacques Chirac pour qu’ils vous endiguent vos ardeurs liberticides ?« , demande alors le communiste Jean-Pierre Brard, avec malice. Les deux pensionnaires du Conseil constitutionnel ne sont pas réputés pour leur sarkozysme le plus farouche.

La séance reprend ce jeudi à 15H.

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