La semaine dernière, nous rapportions une interview accordée au Figaro par la secrétaire d’Etat à l’économie numérique, Nathalie Kosciusko-Morizet. Nous estimions que la timidité de ses réponses montrait son incapacité politique à prendre fermement la défense de point de vue, sans être immédiatement suspectée par l’un ou l’autre camp d’agir (en relief ou en creu) par conflit d’intérêts avec son frère, qui dirige les deux plus gros lobbys d’éditeurs de services en ligne en France. Preuve de cette méfiance et surtout de l’inconfort politique dans lequel se trouve NKM, l’interview publiée par le Figaro avait été largement tronquée, modifiée selon Electron Libre par la secrétaire d’Etat et ses services lors d’un aller-retour entre la rédaction du quotidien et le cabinet de la secrétaire d’Etat. Le tout pour éviter un clash au gouvernement.
Dans sa version originale non éditée, publiée par notre confrère, Nathalie Kosciusko-Morizet était beaucoup moins disciplinée dans la solidarité gouvernementale et l’obédience à la riposte graduée qu’impose Nicolas Sarkozy. Elle se montre d’abord très agacée par la méthode d’élaboration du projet de loi qui laisse sur la touche le secrétariat à l’économie numérique, pour une loi qui s’adresse spécifiquement au numérique. « Cette loi a été préparée avant que j’arrive à ce poste. Mon ministère n’a à aucun moment été associé à sa conception. Depuis, on m’a dit de manière constante qu’elle relevait exclusivement du ministère de la Culture, qui peut avoir une très grande susceptibilité quant à son champ d’action« , regrette ainsi NKM. « Il faut comprendre que les arbitrages de la loi ont lieu dans des réunions auxquelles je ne suis pas invitée. Ce qui ne veut pas dire que je me désintéresse du débat. Je passe beaucoup de temps à faire de la veille sur Internet« .
Pour Nathalie Kosciuko-Morizet, « la discussion à l’Assemblée ne se fait pas dans de bonnes conditions« , et « le monde de la création y a sa part de responsabilité, comme les politiques (…) On a laissé le mal s’installer, prospérer et le débat survient trop tard par rapport à une pratique déjà installée« .
La secrétaire d’Etat estime que « pour l’essentiel, c’est la partie pédagogique de la loi qui s’appliquera« , et non la sanction ultime. « Il y aura évidemment des gens assez forts pour masquer leur adresse IP et échapper aux contrôles. Moi-même je sais comment faire !« , assure-t-elle. Elle ne note pas cependant que le problème n’est pas tant de pouvoir masquer son adresse IP que d’emprunter celle du voisin, ou d’un parfait inconnu qui sera accusé à la place du véritable fautif.
« Ma responsabilité c’est de préparer les suites de cette loi, qui ne résout pas la question du modèle économique de la création sur Internet. Je suis déjà dans l’après-Hadopi. Dès le début du mois d’avril, nous allons réunir tous les acteurs de l’après, tous ceux qui financent la musique sur le web, pour les faire réfléchir à de nouveaux modèles. La France a un rôle à jouer au niveau mondial sur ce sujet« , conclut-elle. Comme pour dire en substance : Christine, ton projet de loi que tu fais toute seule dans ton coin ne sert à rien et ne changera rien à la rémunération de la création.
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