Mise à jour : selon le Telegraph, un compromis pourrait finalement être trouvé pour étendre la durée de protection à 70 ans au lieu de 50 ans actuellement, et non plus 95 ans comme c’était proposé. Il s’agirait d’étendre la durée des droits à une génération d’artistes-interprètes, et non plus deux, ce qui aurait l’avantage pour les maisons de disques de préserver leurs droits sur les enregistrements des années 1960, particulièrement prolifiques (surtout ceux des Beatles, qui ne sont toujours pas sur iTunes).
La proposition d’étendre la durée de protection des droits des artistes-interprètes et des producteurs de musique à 95 ans après l’enregistrement de l’œuvre fait beaucoup moins de bruit que la riposte graduée, alors qu’elle devrait soulever encore plus d’indignation. Contrairement à la lutte contre le piratage, qui restera sans effet, l’extension de la durée de protection – actuellement fixée à 50 ans – a un effet immédiat et très difficilement réversible, l’appauvrissement du domaine public.
Le rapport Gowers commandé par la Grande-Bretagne en 2006 avait conclu qu’une extension de la durée de protection aurait pour effet d’augmenter le prix de l’accès aux œuvres pour les consommateurs, de freiner la concurrence, et d’avantager ceux qui possèdent les plus gros fonds de catalogue, c’est-à-dire les majors du disque. Les conclusions étaient cinglantes. Mais la Commission européenne a pourtant décidé d’ignorer ce rapport, et d’autres, qui préconisent de ne pas augmenter la durée de protection, voire de la réduire.
Le commissaire Charles McCreevy, à l’origine de la proposition, s’est basé sur un unique rapport… fourni par la British Phonographic Industry (BPI), le lobby de l’industrie musicale britannique. Selon Bruxelles, la proposition doit permettre aux interprètes de gagner 150 à 2 000 euros de plus par an. Mais elle permet surtout aux maisons de disques d’exploiter beaucoup plus longtemps leurs catalogues, et de gagner des millions d’euros supplémentaires chaque année sur des œuvres qu’elles sont enregistrées il y a près d’un siècle. Selon les propres données de la Commission, 90 % des bénéfices financiers tirés de l’extension des droits iront aux maisons de disques, 9 % aux 20 % des artistes les plus diffusés en Europe, et seulement 1 % aux 80 % des artistes les moins diffusés.
Surtout, on prend de l’argent aux vivants pour le donner aux morts. Plus il y a d’œuvres protégées par le droit d’auteur, plus la rémunération collective (en particulier la taxe pour copie privée) est diluée entre une multitude d’ayants droit, avec une part d’autant plus importante de morts que la durée de protection s’allonge. Les seuls à ne jamais mourir sont les majors, qui rachètent des fonds de catalogue à bras le corps.
Mais le Parlement européen ne semble pas disposé à se laisser faire. Alors que les députés des Commission culture et Commission des affaires juridiques du Parlement Européen ont approuvé la proposition de Bruxelles, le mouvement Sound Copyright qui se bat contre le projet indique que le vote en séance plénière a été repoussé. Les maisons de disques ont fait pression, sentant que la proposition risquait d’être rejetée.
« Après une rencontre entre les présidents des groupes politiques du Parlement européen mardi, et avec la controverse et le manque de consensus qui entoure la proposition, les eurodéputés ont repoussé le vote jusqu’au mois d’avril, juste avant les élections européennes« , indique ainsi Sound Copyright. Le Conseil, la Commission et le Parlement doivent désormais se mettre d’accord, fin mars, pour voir si la proposition est maintenue.
Déjà le mois dernier, la Commission européenne a accepté de ne pas faire voter le rapport Medina, qui était favorable à la riposte graduée et au filtrage du net.
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