La France ne veut pas laisser passer le rapport Lambrinidis, voté à l’unanimité le mois dernier par la commission des libertés civiles, de la justice et des affaires intérieures du Parlement européen. Entres autres engagements à défendre les libertés fondamentales et la vie privée des internautes, le rapport de l’eurodéputé grec affirmait le principe selon lequel l’accès à Internet doit être « garanti« , et « ne doit pas être refusé en tant que « sanction » » par les Etats membres. La riposte graduée et la menace de suspension de l’abonnement à Internet sur décision administrative sont clairement visés.

Sans surprise, la France n’est pas très heureuse à l’idée que le rapport puisse être adopté ce jeudi en séance plénière du Parlement européen. Le Secrétariat Général des affaires européennes a adressé une note aux parlementaires, qui s’oppose à l’idée selon laquelle Internet pourrait être un droit qu’il faut garantir en toutes conditions. « Si chaque individu doit effectivement pouvoir accéder à l’Internet, rien ne saurait pour autant imposer que cet accès soit garanti de manière absolue depuis son domicile et sur son propre ordinateur« , indique la note, qui reprend l’angle déjà expérimenté à l’Assemblée nationale par Christine Albanel contre les députés qui souhaitaient faire de l’accès à Internet un droit fondamental. « L’accès reste toujours possible, le cas échéant, depuis d’autres lieux« , rassurent les autorités françaises, sans aller jusqu’à préconiser d’utiliser la connexion du voisin ou de se rendre dans un cybercafé, comme l’a fait la ministre de la Culture.

La note reprend également l’argument selon lequel « les contrats entre les fournisseurs d’accès à Internet et leurs abonnés doivent pouvoir, comme c’est le cas aujourd’hui, prévoir la résiliation de l’abonnement Internet pour les cas où ces derniers ne s’acquittent pas de leurs factures ou se livrent à un usage inapproprié de leur accès« . Mais le gouvernement français feint d’ignorer que c’est absoluement sans rapport avec la riposte graduée.

Le FAI qui résilie en cas d’impayé le fait dans le cadre d’un contrat, qu’il est libre d’exécuter ou ne pas exécuter. Chacune des parties en subit les conséquences, et surtout chacune est libre de contracter avec un autre client ou fournisseur en cas de difficulté. Avec la riposte graduée et l’Hadopi, il est question d’interdire toute souscription chez un FAI concurrent pour une durée ferme, qui peut aller jusqu’à un an. Or dans le cas des interdits bancaires par exemple, la CNIL a obligé les banques à désinscrire du fichier de la Banque de France les « mauvais payeurs » dès lors que leur dette était remboursée. C’est un point que nous avions soulevé dès novembre 2007 au moment de la signature des accords Olivennes.

« De même« , ajoute la note avec toujours beaucoup de mauvaise foi, « des mesures judiciaires ou administratives doivent pouvoir continuer à être prises dans le cas où des abonnés à Internet utilisent leur accès à des fins illicites« . Mais c’est précisément le fait que l’autorité judiciaire ne soit pas intégrée au processus de la riposte graduée qui est contesté, tout comme la possibilité pour une autorité administrative de prononcer la sanction finale.

Enfin, le gouvernement assure que le fait de considérer qu’un accès à Internet ne peut pas être refusé comme sanction par un Etat membre « remettrait en cause toute la jurisprudence de la Cour de justice ces communautés européennes sur la nécessité de concilier entre eux des différents droits et libertés« . Or l’arrêt Promusicae v. Telefonica auquel fait implicitement référence la note (et auquel s’est référé explicitement Christine Albanel) sanctionne précisément le fait de bafouer des libertés fondamentales par la protection des droits d’auteur, et dit que le droit d’auteur n’est pas supérieur aux autres droits. Ce que la France a beaucoup de mal à assimiler.

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