« Il n’y a pas le moindre Plan B, ce qui ne nous empêche pas de réfléchir au futur« , avait écrit dans nos pages le Président du Conseil d’Administration de la Sacem, Laurent Petitgirard, alors que nous expliquions que la société de gestion collective commençait déjà à réfléchir à l’idée de taxer les fournisseurs d’accès à Internet pour continuer à développer les revenus des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique. L’idée semble faire son chemin.
Au détour d’un entretien accordé à Resmusica, Laurent Petitgirard est revenu sur la loi Création et Internet, qu’il semble déjà croire vouée à l’échec. « Il était impossible pour la SACEM de ne pas s’associer à une concertation générale visant à sortir d’un système uniquement répressif idiot et inefficace« , explique le compositeur pour justifier la pression qu’a mis la Sacem sur le législateur pour créer l’Hadopi et la riposte graduée. Mais « nous constatons que nous sommes devant une loi dont la première conséquence est que les auteurs auront le droit de payer pour un exercice de police, c’est-à-dire de rémunérer des sociétés spécialisées dans la recherche sur internet« , ajoute-t-il pour critiquer le fait que ça soit aux ayants droit de financer la recherche des infractions. Dans un récent article, nous avions mis en doute la capacité des maisons de disques ou des sociétés de gestion collective à financer massivement les recherches d’adresses IP alors que leur finances s’étiolent. Laurent Petitgirard semble nous donner raison.
De plus, ajoute-t-il comme pour montrer l’absurdité du mécanisme de la riposte graduée, « si nous repérons 5000 contrevenants, sur une adresse IP à un instant précis, ils recevront un message d’alerte mais ne seront pas placés sous surveillance et retomberont aussitôt dans la masse des millions d’internautes. Pour recevoir le deuxième message, ils devront être » attrapés » une nouvelle fois… Quelle est la probabilité d’un recoupement à trois reprises sur l’ensemble des internautes ?« . Pendant les débats, les députés socialistes avaient dit la même chose autrement, en estimant que l’Hadopi était un filet à papillons utilisé pour puiser de l’eau.
La prophétie de Jacques Attali réalisée ?
« Même si le téléchargement légal double ou triple grâce à cette loi« , estime Laurent Petitgirard comme s’il en doutait déjà, « les effets seront peu sensibles« .
Il faut donc déjà mettre en place le Plan B, mais avancer masqué. « A titre personnel, ce qui n’engage donc pas la SACEM« , prévient-il sans que personne ne puisse croire une seule seconde à cette réserve, « je pense que nous arriverons à une nouvelle forme de licence où les utilisateurs, moyennant une majoration de leur abonnement à laquelle aura participé le fournisseur d’accès, auront accès à des fichiers fournis par l’ensemble des producteurs avec des fichiers sains et normés, assurant une parfaite traçabilité des ayant-droits« . En plus clair, Laurent Petitgirard propose de mettre en place une pseudo licence globale, privée, contrôlée par des DRM ou, à tout le moins, par des systèmes de watermarking, dans un partenariat avec les FAI – une idée qui a fait échec en Grande-Bretagne.
L’air de rien, Laurent Petitgirard prépare le terrain à ce que Jacques Attali redoutait récemment. Opposé à la loi Création et Internet, l’économiste a conseillé aux artistes de prendre eux-mêmes en main la mise en place d’une licence globale, au risque de voir la Sacem, les FAI et les majors organiser leur propre système, pour se partager la part du lion sur le dos des artistes indépendants. Lorsqu’ils vont se rendre compte que l’Hadopi ne marche pas, « ils vont mettre au point la licence globale en se partageant le gateau avec les fournisseurs d’accès, monter une structure dans laquelle l’ensemble de l’argent réparti ira d’abord des fournisseurs d’accès aux majors, et les majors distribueront des miettes aux artistes« , prédisait Jacques Attali. « C’est très important que les artistes comprennent qu’il faut que eux prennent en main le système« .
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