Mise à jour : de source parlementaire, Jean-François Copé et Roger Karoutchi se sont précipités ce matin à l’Assemblée pour tenter de cadrer la stratégie gouvernementale. On se dirige vers une seconde lecture au Parlement, dans plusieurs semaines, sans doute après les élections européennes. Sur la base du texte qu’avait voté l’Assemblée avant la CMP. « Ce serait faire violence au Parlement de demander immédiatement une seconde lecture », nous a prévenu le député Christian Paul, qui compte mette à profit les quelques semaines à venir pour mobiliser encore davantage l’opinion publique et les artistes opposés au texte, et paufiner le recours au Conseil constitutionnel.
Le gouvernement va-t-il jouer quitte ou double ? Politiquement, le coup porté à Christine Albanel et au gouvernement est extrêmement fort, et il serait très difficile pour Nicolas Sarkozy d’exiger un passage en force de la riposte graduée. Mais juridiquement, la porte est encore ouverte pour le gouvernement, s’il souhaite malgré tout s’entêter comme il le fait depuis plus d’un an.
Dans le cadre de la procédure d’urgence qu’avait choisi le gouvernement, l’article 45 de la Constitution donne la possibilité à l’exécutif de donner le dernier mot à l’Assemblée Nationale, dans une seconde lecture.
« Si la commission mixte ne parvient pas à l’adoption d’un texte commun ou si ce texte n’est pas adopté dans les conditions prévues (…), le Gouvernement peut, après une nouvelle lecture par l’Assemblée Nationale et par le Sénat, demander à l’Assemblée Nationale de statuer définitivement. En ce cas, l’Assemblée Nationale peut reprendre soit le texte élaboré par la commission mixte, soit le dernier texte voté par elle, modifié le cas échéant par un ou plusieurs des amendements adoptés par le Sénat« , prévoit ainsi la Constitution.
Cette stratégie peut être payante, puisque le basculement des votes s’est fait en grande partie sur la suppression par la Commission Mixte Paritaire de l’amendement qui devait empêcher la « double peine », c’est-à-dire le paiement de l’abonnement à Internet suspendu. Les députés n’ont pas apprécié que cette disposition soit retirée par la CMP, tout comme celle qui amnistiait les P2Pistes pour les téléchargements réalisés avant la mise en œuvre de l’Hadopi.
Le gouvernement pourrait donc négocier le retour de ces amendements contre un vote conforme en seconde lecture, qui permettrait l’adoption de la loi. Mais il n’a plus beaucoup de temps pour y parvenir. Le calendrier parlementaire surchargé permet difficilement une seconde lecture avant de nombreuses semaines, voire plusieurs mois. Or pendant ce temps, le Parlement européen continue à faire pression pour adopter l’amendement Bono qui interdit la suspension de l’accès à Internet.
De plus, quand bien même une seconde lecture serait demandée, et que l’UMP parvienne cette fois à faire bloc… il reste le risque non négligeable d’une deuxième baffe, cette fois par le Conseil constitutionnel.
Contactée par Numerama, la député Verts Martine Billard rappelle que le rejet d’un texte est un fait « exceptionnel« , qui n’est arrivé a priori que deux fois dans l’histoire de la cinquième république. Elle estime que « si le gouvernement veut passer en seconde lecture, il ne le fera probablement qu’après les élections européennes« , c’est-à-dire après le mois de juin.
Des voix s’élèvent déjà, ce midi, pour exiger la démission de Christine Albanel.
(merci à Vahron pour l’illustration ci-dessus)
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