Comme nous l’évoquions le jour du rejet du projet de loi Création et Internet par l’Assemblée Nationale, en cas de seconde lecture le gouvernement devra probablement négocier avec la majorité UMP certaines dispositions qu’il avait refusées mais auxquelles tenaient nombre de députés : la substitution de la suspension de l’accès à Internet par une amende, l’amnistie pour les internautes poursuivis avant l’Hadopi, et le rejet de la « double peine », c’est-à-dire de l’obligation de continuer à payer son abonnement pendant la coupure de l’accès à Internet (si jamais l’amende n’est pas préférée).
Puisque la possibilité d’une amende à la place de la suspension semble toujours fermement exclue, c’est la question de la double peine qui fait débat. Le gouvernement souhaite la laisser, officiellement pour ne pas risquer de demandes d’indemnisation de la part des FAI lésés en cas de suspension. Mais le Parlement, qui y voit une provocation supplémentaire à l’égard des familles, la rejette.
Selon le Point, le Conseil constitutionnel pourrait arranger tout le monde. « Dans un premier temps, le texte présenté au vote dans quelques semaines pourrait exclure la double peine », envisage le journaliste Emmanuel Berretta. « Cette fois, les députés UMP assumeront le projet de loi… Puis, le Conseil constitutionnel sera saisi (par l’opposition) et, vraisemblablement, censurera cette partie du texte. Ainsi, députés et sénateurs n’auront pas à supporter l’impopularité de la « double peine » qui sera, de fait, rétablie par le Conseil constitutionnel…« .
Mais aussi machiavélique soit-il, c’est un mauvais calcul, dont on doute qu’il ait jamais été envisagé par le gouvernement. Car si le Conseil constitutionnel donne raison à l’opposition sur le fait que l’action publique ne doit pas causer aux FAI de préjudice non indemnisé, il ne rétablira pas pour autant la double peine mais demandera aux pouvoirs publics (et donc au contribuable) de dédommager les opérateurs. Or le point qui pose problème n’est pas tant dans le préjudice financier de la suspension de l’abonnement (une goutte d’eau tant le nombre de condamnation devrait être faible), que dans la boîte de Pandore qu’ouvre le refus de la double peine. Or les FAI refusent absolument que cette boîte soit ouverte.
En effet, le gouvernement et le Parlement ont souhaité qu’en cas de suspension de l’abonnement à Internet, les services de télévision et de téléphonie ne soient pas coupés, afin de respecter différentes directives européennes. Or pour pouvoir facturer ces services pendant la suspension de l’abonnement à Internet, sans facturer l’Internet lui-même, il faut que les FAI détaillent le prix de leurs prestations, en indiquant quelle part représentent la télévision et la téléphonie dans l’abonnement payé par leurs abonnés. Or puisque la vente liée est interdite, une telle disposition pourrait faciliter des actions fondées sur le droit de la consommation, pour obliger les fournisseurs d’accès à vendre des abonnements « nus », sans téléphonie ni télévision. Un abonnement évalué entre 7 et 10 euros par mois par Christine Albanel.
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