Mise à jour : contre toute attente, et grâce à la pression des internautes de toute l’Europe, la commission ITRE du Parlement Européen a choisi de réintroduire l’amendement Bono en seconde lecture du Paquet Télécom, sans rien toucher à sa formulation première.
Voici la suite du feuilleton de l’amendement Bono. C’est ce mardi soir que la commission Industrie du Parlement européen doit adopter le rapport Trautmann dans lequel figure l’amendement Bono (anciennement amendement 138, désormais amendement 46), qui prévoyait dans sa première mouture qu’aucune « restriction aux droits et libertés fondamentales des utilisateurs finaux (d’internet) ne doit être prise sans décision préalable de l’autorité judiciaire ». Après deux tentatives infructueuses de compromis avec le Coreper, l’eurodéputé socialiste Catherine Trautmann a accepté un compromis pour mettre fin au blocage.
La plus mauvaise nouvelle, c’est que l’amendement anti-riposte graduée a été relégué au préambule, sous forme de considérant. Ce qui, en pratique, n’oblige pas les Etats membres à le transposer en droit national, mais aura simplement valeur interprétative auprès des tribunaux, en cas de conflit.
Deuxième mauvaise nouvelle, les mots « autorité judiciaire » qui excluaient sans aucun doute possible l’Hadopi (une autorité administrative) de toute possibilité de prononcer la suspension de l’abonnement à Internet ont été remplacés par l’exigence d’un « tribunal indépendant et impartial établi par la loi« . Or la notion de tribunal est plus floue, et le gouvernement français défendra l’idée que la commission de protection des droits de l’Hadopi, composée de trois magistrats, forme un tribunal indépendant et impartial établi par la loi. Un tribunal peut être administratif.
Le considérant tel qu’il a été accepté par le Coreper prévoit ainsi désormais que « toute restriction imposée dans l’exercice de(s) droits fondamentaux (relatifs à internet) doit faire l’objet d’une décision par un tribunal indépendant et impartial établi par la loi dans le respect de la procédure tel qu’elle est définie dans l’article 6 de la Convention pour la protection des droits de l’homme et des libertés fondamentales« . Cette référence à l’article 6 de la CEDH peut embêter la France si l’Hadopi ne présente pas davantage de garanties du respect du procès équitable, notamment au regard du deuxième alinéa qui dispose que « toute personne accusée d’une infraction est présumée innocente jusqu’à ce que sa culpabilité ait été légalement établie« . Dans l’état actuel de la procédure prévue par l’Hadopi, c’est à l’internaute accusé d’établir les preuves de son innocence.
Mais si la référence à la CEDH est contraignante, elle n’est là encore qu’interprétative, et laisse donc à la France tout loisir d’attendre qu’une procédure arrive jusqu’à la cour européenne des droits de l’Homme avant de modifier le fonctionnement de l’Hadopi. A moins que le Conseil constitutionnel ne soulève lui-même le problème, s’il comprend qu’une adresse IP sur un relevé d’infractions ne peut pas être une preuve suffisante.
Inquiète de ce compromis mou, la Quadrature du Net a appelé tous les citoyens de l’Union Européenne à appeler leurs députés européns membres de la commission Industrie du Parlement Européen pour leur demander de rejeter la proposition de compromis et de voter l’amendement 46 qui reprend le texte de l’amendement Bono, tel qu’adopté par 88 % des eurodéputés.
« Aucun compromis ne peut être toléré lorsqu’il s’agit de sauvegarder des droits et libertés fondamentaux. Nous avons tous besoin d’un Parlement fort qui protège les citoyens de l’UE et qui ne plie pas sous la pression du Conseil« , a estimé Jérémie Zimmermann, porte-parole de la Quadrature du Net. « Dans cette période de crise de confiance dans les institutions de l’UE, et peu de temps avant les élections, le Parlement doit protéger les citoyens en faisant adopter l’amendement 138/46« .
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