L’article du Monde qui évoque ce rapport non encore publié semble tellement incroyable que l’on ose espérer à une erreur du journaliste :
Partant du constat que les œuvres réalisées soixante-dix ans après la mort d’un artiste ne profitent pas aux consommateurs (alors que les droits deviennent gratuits), le Conseil suggère de faire payer le téléchargement sur Internet des œuvres tombées dans le domaine public pour « alimenter un fonds d’aide à la création ».
Nous évoquions la question de ces « aides à la création » dans notre article du 23 juin 2004 sur la proposition de fausse licence légale de l’ADAMI, rappelant que la loi prévoit actuellement que 25% des sommes prélevées au titre de la copie privée soient affectées au financement d’actions culturelles. Or un rapport remis au ministère de l’économie et des finances en 1997 (Rapport Bolliet/Beck) démontrait que ces sommes servaient entre autres au financement d’actions syndicales ou à l’achat de parcs immobiliers pour les sociétés de gestion. Les créateurs eux, ne bénéficiant que très peu de ces « aides à la création »…
Nous pouvions donc espérer que Michel Muller, qui a conduit le rapport pour le CES, propose la suppression du financement des actions culturelles par les sociétés de gestion, et en remette la charge à celui dont ça devrait être le rôle : le ministère de la culture.
Mais non, le Conseil propose d’aggraver la situation en faisant payer aux internautes les œuvres du domaine public ! Télécharger des livres édités gracieusement sur le site du projet Gutenberg, passés dans le domaine public, deviendrait payant !
Nous n’avions rien lu de si stupide et révoltant depuis des années. Et comment assurera t-on que les œuvres du domaine public donnent lieu à paiement sur Internet ? Par les DRM bien sûr.
Mais ça n’est pas tout, le Conseil propose à l’instar de l’ADAMI (la franchise en plus) d’étendre la rémunération pour copie privée, ici aux supports de mémoire numériques comme les disques durs. Or moins de 50% des légitimes ayants droit reçoivent l’argent ainsi collecté par les sociétés de gestion, et ça ne sont probablement pas les autres propositions plus pertinentes du rapport qui y changeront quelque chose.
On présente trop souvent les Etats-Unis comme un pays aux bottes des majors et niant tout droit aux consommateurs, mais il est parfois « bon » de rappeler que la France fait bien pire, ou qu’elle s’y prépare…
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