C’est un grand soulagement pour Orange et pour la Ligue de Football Professionnel (LFP). « Cette décision valide la stratégie de la Ligue qui, lors du lancement de l’appel d’offres pour les droits de la Ligue 1, a su recréer la concurrence en permettant l’entrée sur le marché de nouveaux acteurs, dont France Telecom« , s’est immédiatement félicité Frédéric Thiriez, le président de la LFP, intervenante au procès.
La cour d’appel de Paris a contredit jeudi le tribunal de commerce qui, le 23 février dernier, avait donné raison à SFR et Free et estimé que lier l’accès aux contenus exclusifs d’Orange Sport à la souscription d’un abonnement télécom chez le même opérateur était constitutif d’une vente liée et d’une concurrence déloyale. En première instance, le tribunal avait ainsi ordonné à Orange d’arrêter de commercialiser ses chaînes de foot et de rugby, ou alors de donner à ses concurrents la possibilité de les proposer à leurs propres abonnés.
Alors que le 31 mars la cour d’appel avait maintenu l’exécution provisoire de la décision de première instance, elle a totalement changé d’avis et estimé jeudi qu’il « ne saurait être considéré que le fait que l’accès à la chaîne Orange Sports soit associé exclusivement à l’offre ADSL de Orange altère de façon significative sa liberté de choix à l’égard des offres ADSL, bien au contraire« .
« Contrairement à ce que prétendent SFR et Free, le seul fait que le consommateur doive souscrire un abonnement ADSL Orange pour obtenir un accès à la chaîne Orange Sports ne répond pas à la définition de la contrainte« , écrit la cour d’appel. Les magistrats estiment qu’il est « constant que, dans le cadre de la concurrence qu’ils se livrent, tous les fournisseurs d’accès à internet s’efforcent d’enrichir le contenu de leurs offres pour les rendre plus attractives, par la mise en place de services innovants ou l’acquisition de droits exclusifs sur des contenus audiovisuels, cinématographiques ou sportifs événementiels« .
Mais est-ce parce qu’une pratique est « constante » qu’elle est nécessairement légale ? La motivation de l’arrêt est étrange, et va contre l’avis de l’autorité de régulation des télécoms. SFR et Free ont déjà fait connaître leur intention de se pourvoir en cassation. D’autant que les circonstances de l’arrêt sont pour le moins particulières, comme il devient de plus en plus fréquent en France.
La DGCCRF a défendu Orange devant la cour d’appel
Entre le 31 mars où elle a rendu sa première décision sur le sursis à exécution et le 14 mai où elle a rendu sa décision sur le fond, dans un sens contraire, la cour d’appel de Paris a reçu le 30 avril dernier des « conclusions d’intervention » écrites de la Direction de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF). Or l’organisme dépend de Bercy, donc de Christine Lagarde… dont le directeur de cabinet Stéphane Richard vient d’être propulsé numéro deux de France Telecom. Il prendra ses fonctions cet été, et prendra la tête du groupe (dont l’Etat détient encore 26 %) en 2011. La commission de déontologie, saisie pour la forme, a donné son accord.
« Cette intrusion d’un service administratif dans un tel litige est tellement inhabituelle que la cour d’appel lui a demandé de préciser à quel titre il intervenait« , précise le Canard Enchaîné, qui commentait mercredi l’affaire Richard, qui n’est pas sans rappeler l’affaire Pérol.
Sans doute plus grave, l’annonce de l’arrivée de Stéphane Richard aux commandes de France Telecom intervient au moment-même où le gouvernement retarde l’obtention de la quatrième licence 3G par Free, sous le prétexte d’une nouvelle étude (à la hausse) du prix. Or, comme le raconte le Canard, c’est « la Commission des participations et des transferts, nommée par Bercy, et dans laquelle Richard ne compte que des amis« , qui va fixer le juste prix de la licence. Plus le dossier tarde, plus la licence sera chère, et plus Orange, SFR et Bouygues seront satisfaits.
On se souvient aussi que si la cour d’appel ne donnait pas raison jeudi à Orange, le gouvernement avait fait savoir qu’il modifierait la loi en conséquence. Il pourra finalement s’abstenir, et éviter ainsi d’éventuelles représailles de Bruxelles, avant que l’affaire n’arrive éventuellement dans les mains des instances de justice européennes.
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