Le Figaro est revenu dimanche sur la nouvelle loi d’orientation pour la sécurité intérieure (Loppsi), dont nous avons parlé dans un grand article sur le projet de contrôle du net par Nicolas Sarkozy. Le quotidien annonce que le projet de loi sera présenté dès ce mercredi en conseil des ministres, à la grande surprise des parlementaires, dont un des membres de l’opposition nous disait encore la semaine dernière que le texte ne serait probablement pas proposé avant 2010. Il s’intéresse de près à l’une des dispositions du texte, qui porte sur la « captation de données informatiques », c’est-à-dire sur l’installation de mouchards permettant la surveillance des suspects dans les enquêtes pénales.
Selon Le Figaro, « l’article sur « la captation de données informatiques » autorise en effet les OPJ « commis sur commission rogatoire à mettre en place un dispositif technique ayant pour objet, sans le consentement des intéressés, d’accéder, en tous lieux, à des données informatiques, de les enregistrer, les conserver et les transmettre, telles qu’elles s’affichent sur un écran pour l’utilisateur ». Le tout « sous le contrôle du juge d’instruction »« .
La police judiciaire (PJ) pourra se rendre au domicile du suspect, et poser sur son ordinateur une « sorte de clé USB qui s’enfiche à l’arrière ou, mieux, à l’intérieur, sur l’un des ports disponibles », qui « renverra les données vers les ordinateurs des autorités ». Le texte permettra aussi à la police d’installer à distance des Trojan, c’est-à-dire des chevaux de Troie chargés de donner l’accès à toutes les données de l’ordinateur en temps réel.
Le Figaro précise que la PJ ne pourra user de ce pouvoir que « dans les affaires les plus graves (terrorisme, pédophilie, meurtre, torture, trafic d’armes et de stupéfiants, enlèvement, séquestration, proxénétisme, extorsion, fausse monnaie, blanchiment et aide à l’entrée et séjour d’un étranger)« , et « dès lors que les faits sont commis en bande« .
Sous l’autorité du juge des libertés et de la détention, le service enquêteur devra préciser l’infraction qui justifie le recours à cette technique, le lieu où elle va intervenir, et la durée souhaitée. Le mouchard pourra être installé pour une durée de quatre mois renouvelable une fois.
Sur le principe, il nous semble qu’il n’y a rien de très choquant à ce que les techniques d’écoute s’adaptent aux nouvelles technologies. Il faut simplement, mais c’est beaucoup, un cadre strictement défini. A cet effet, le « contrôle du juge d’instruction » prévu par le texte de loi est une garantie essentielle à ce type de procédure. Indépendant du ministère de la Justice, le juge d’instruction ne peut pas recevoir l’ordre d’installer ce type de mouchards de la part des services du gouvernement, ou au contraire de s’interdire de demander leur installation dans certaines affaires sensibles. Le juge d’instruction est libre, et agit en proportion des nécessités de l’enquête.
Sauf que le juge d’instruction doit disparaître, si le projet de réforme de la Justice annoncé par le gouvernement est mené à son terme. C’est alors le procureur de la République, sous l’autorité directe de la chancellerie, et donc du gouvernement, qui devrait prendre la charge d’autoriser ou non l’installation des mouchards.
De plus, il y a incohérence de moyens et d’objectifs au sein du gouvernement. Le Figaro note ainsi que le texte vise à combler les failles d’une surveillance à distance via les réseaux des FAI. En effet la PJ « ne pouvait pas capter les conversations des trafiquants qui communiquent désormais via leur ordinateur grâce au protocole du logiciel Skype, entièrement crypté« , note le Figaro. Or en condamnant le téléchargement et l’échange d’œuvres culturelles sur Internet, la loi Hadopi est en train précisément de pousser chaque citoyen à crypter ses propres communications, et donc à rendre beaucoup plus difficile la surveillance à distance du réseau, comme l’avait expliqué un expert d’Orange. Ainsi l’utilisation d’un mouchard, qui devait être une exception, pourrait s’avérer beaucoup plus souvent nécessaire que prévu.
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