L’affaire avait éclaté au début du mois dernier. Le responsable du pôle innovation web de TF1, Jérôme Bourreau-Guggenheim (31 ans), a été licencié par la filiale du groupe Bouygues pour avoir envoyé le 19 février un e-mail contre la loi Hadopi à sa députée Françoise de Panafieu (UMP). Celle-ci l’avait transmis au cabinet de Christine Albanel, qui s’en est ému auprès de Jean-Michel Counillon, le directeur du lobbying de TF1. « Jean-Michel, vous avez des salariés qui, manifestement, aiment tirer contre leur camp« , disait le message du ministère au lobbyiste.
Très vite, Jérôme Bourreau est convoqué, et licencié. TF1 estime qu’en écrivant à sa députée pour critiquer le projet de loi Hadopi, son employé a pris des positions « contraires aux déclarations officielles du groupe TF1, notoirement en faveur de cette loi« . Elle assure que cet e-mail s’ajoute à des prises de position publiques, ce qu’a contesté auprès de Numerama le principal intéressé. « Je n’ai jamais exprimé de positions contre l’Hadopi publiquement, ni même en interne à TF1« , nous avait-il confié.
Désormais, l’affaire est dans les mains des Prud’hommes. Jérôme Bourreau-Guggenheim reproche à son ancien employeur de l’avoir licencié pour délit d’opinion, qui plus est exprimé dans un cadre on ne peut plus privé : un e-mail personnel envoyé à sa députée.
Depuis, la censure de l’Hadopi par le Conseil constitutionnel a rendu l’affaire plus grotesque encore pour TF1. Numerama a en effet pu obtenir l’e-mail qu’avait envoyé Jérôme Bourreau à Françoise de Panafieu. Il y explique que le projet de loi « est inacceptable sur le plan juridique« , parce que « seule l’autorité judiciaire est habilitée à instruire et juger en matière pénale« . Exactement ce qu’ont dit les sages en refusant que l’Hadopi, autorité administrative, puisse sanctionner les internautes.
Il explique également que « déléguer la tenue de campagnes de traque, d’avertissements et de répression de masse par des sociétés privées ciblant les internautes partageant sur Internet de la musique et des films sans autorisation est un risque majeur d’une dérive hors de tout contrôle« . En jugeant que la CNIL ne pouvait pas autoriser une collecte d’adresses IP par des organismes privés qui serait destinée à sanctionner les internautes par une autorité administrative, le Conseil constitutionnel n’a pas dit autre chose.
Jérôme Bourreau dit également, s’appuyant sur l’avis du Parlement Européen, que « l’interruption d’un accès internet va à l’encontre des droits de l’Homme« . Là encore, en hissant l’accès à Internet au rang d’une composante de la liberté d’expression et de communication, le Conseil constitutionnel a fait d’Internet une liberté fondamentale, au nom des droits de l’Homme.
« Il balaye la présomption d’innocence« , prévenait l’ancien cadre de TF1. Ce qu’a constaté aussi le Conseil constitutionnel, en jugeant qu’en « opérant un renversement de la charge de la preuve« , l’Hadopi institue « une présomption de culpabilité« .
Une phrase a sans doute provoqué la colère de TF1 : « la ministre persiste sous la bénédiction de lobbys qui ont complètement raté le virage numérique et qui voient en une loi le seul moyen de préserver leur business obsolète« . Peut-être la chaîne s’était-elle reconnue dans cette description.
« La répression n’est pas la solution« , concluait finalement Jérôme Bourreau.
Pour avoir longuement expliqué pourquoi, il pointe aujourd’hui au chômage. De son côté Christophe Tardieu, le directeur adjoint du cabinet de Christine Albanel qui avait envoyé l’e-mail au lobbyiste de TF1, a réintégré le cabinet. Il n’avait été suspendu qu’un mois, en gardant son traitement d’inspecteur des Finances.
Si vous souhaitez soutenir Jérôme Bourreau-Guggenheim, un groupe Facebook a été créé le 7 mai dernier. Il compte aujourd’hui plus de 8500 membres.
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