Les deux sources concordent. Emmanuel Beretta dans Le Point et Astrid Girardeau dans Libération expliquent ensemble que le projet de loi complémentaire à l’Hadopi, qui devrait être présenté la semaine prochaine ou la semaine suivante en Conseil des ministres, ferait disparaître le délit de surveillance de l’accès à Internet que devait sanctionner l’Hadopi. La mesure aurait l’avantage d’évacuer l’usine à gaz du logiciel de sécurisation de l’accès à Internet, dont seule l’installation pouvait valablement exonérer les internautes de toute responsabilité aux yeux du gouvernement.
« Retour donc à la peine pour téléchargement comme délit de contrefaçon. Actuellement, dans le code pénal, cet acte est passible de 3 ans de prison et de 300 000 euros d’amende. A ces deux peines, le gouvernement propose de rajouter une troisième : la coupure de l’accès à Internet« , explique Astrid Girardeau. « Selon la gravité de la faute, le juge pourra ainsi opter parmi ces trois sanctions. Soit une amende, via une ordonnance pénale (…), soit une peine de prison. Soit une coupure de l’accès Internet, de deux mois à un an« .
Une telle solution, si elle était avérée, serait très étrange. L’Hadopi serait alors chargée d’avertir les internautes de leur responsabilité de surveillance, et demanderait aux tribunaux de sanctionner ce défaut de surveillance sur une toute autre base légale. Après tout, pourquoi pas.
Mais il n’est pas sûr que le Conseil constitutionnel voit d’un bon oeil l’ajout d’une sanction de coupure de l’accès à Internet dans l’arsenal laissé à disposition des juges en matière de contrefaçon.
Lorsqu’il avait censuré la réponse graduée de la loi DADVSI, le Conseil avait clairement indiqué qu’il n’était pas conforme au principe d’égalité de créer un régime pénal différencié pour les actes de contrefaçon réalisés par Internet. C’est justement cette exigence qui avait conduit à créer une obligation de surveillance de l’accès à Intenret, distincte de la contrefaçon, avec l’Hadopi.
Le gouvernement devra donc prétendre officiellement que la sanction de la suspension de l’accès n’est pas réservée, sur le papier, aux contrefaçons en ligne. Même s’il en fera instruction aux parquets.
Or dans ce cas, le Conseil constitutionnel pourra cette fois se reposer sur le principe de la légalité des délits et des peines, et décider que la sanction est sans rapport avec l’infraction commise, et disproportionnée. En reconnaissant que l’accès à Internet était une composante de la liberté d’expression, le Conseil a en effet admis qu’il était « loisible au législateur d’édicter des règles de nature à concilier la poursuite de l’objectif de lutte contre les pratiques de contrefaçon sur internet avec l’exercice du droit de libre communication et de la liberté de parler, écrire et imprimer« . Mais que « toutefois, la liberté d’expression et de communication est d’autant plus précieuse que son exercice est une condition de la démocratie et l’une des garanties du respect des autres droits et libertés« , et que donc « les atteintes portées à l’exercice de cette liberté doivent être nécessaires, adaptées et proportionnées à l’objectif poursuivi« .
Or il n’y aurait rien de nécessaire, adapté et proportionné au fait de couper l’accès à Internet à ceux qui n’ont pas commis de contrefaçon par Internet. La boucle est bouclée. Le gouvernement est dans une impasse.
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