(fhashemi, CC BY #Iranelection)
Depuis l’élection présidentielle en Iran le 12 juin dernier, les évènements prennent une tournure pour le moins inattendue. dans ce grand pays du Moyen-Orient En effet, si le scrutin a été largement remporté par le président sortant, l’ineffable Mahmoud Ahmadinejad, de nombreuses voix s’élèvent pour dénoncer une fraude massive, affectant la sincérité des résultats finaux. En effet, selon les chiffres officiels Ahmadinejad aurait remporté 63% des voix, pour une participation assez élevée (85%). Le principal opposant, Mir Hossein Moussavi, s’est joint au concert de protestations, mais pour un temps seulement. Le lendemain de l’élection, la plupart des responsables réformateurs et de nombreux partisans de l’ancien premier ministre ont été arrêtés par les autorités.
Evidemment, pour étouffer la contestation grandissante, décision a été prise de bloquer les communications téléphoniques d’une part, et de filtrer drastiquement le web iranien. Or, si la plupart des vecteurs de communications sont au mieux bridés par le régime actuel, le fameux outil de réseau social et de microblogging parvient encore à se faufiler entre les mailles du filet de la censure… et de se retrouver un peu malgré lui au centre d’un embryon de révolution qui commence à prendre des proportions non-négligeables. En effet, le format même de Twitter semble idéal pour ce type d’évènements : diffusion virale de l’information, mise en place d’actions spontanées, avertissements et coordinations entre protestataires, conseils pour contourner la censure (comme l’utilisation de proxys)… Et tout cela se passe en direct sur Twitter, pour peu que vous suiviez les canaux de discussion qui en parlent. Spectaculaire d’assister à ça, en direct.
Par exemple, des guides improvisés sont publiés pour soutenir les contestations. Ces guides sont d’ailleurs avant tout à destination des twitteurs internationaux qui sont moins soumis à la censure iranienne. Ainsi donc, il est recommandé de ne pas diffuser des adresses de proxys sur Twitter, surtout en utilisant le canal #iranelection. En effet, les forces de sécurité iraniennes surveillent activement certains canaux de discussion et bloqueront dès que possible ces outils. Il est recommandé d’envoyer des messages directs (DM pour Direct Message) à certains comptes (@stopAhmadi et @iran09) et ils se chargeront de diffuser l’information discrètement aux bloggueurs en Iran.
Il est également demandé de ne pas diluer la conversation en utilisant trop de canaux différents pour évoquer l’actualité iranienne. Les deux canaux officiels (appelés hashtags) sont #iranelection et #gr88. Les autres ne sont pas illégitimes, mais entraineront une perte notable d’informations. Evidemment, cela amène une autre contrainte : se méfier des fausses informations. Les officiels iraniens diffusent également sur Twitter et cela peut mettre potentiellement en danger la vie d’Iraniens si les utilisateurs ne prennent pas garde au contenu qu’ils rediffusent (retweet, RT dans le jargon). Ainsi, il est suggéré d’agir avec raison, de confirmer l’information et de la lier avec des sources vérifiables.
Enfin, si ce n’est qu’une petite aide qui ne changera pas la face du monde, ceux ayant un compte Twitter doivent changer leur fuseau horaire (GMT +3 à Téhéran) pour se caler à l’heure iranienne. La raison est simple : là encore, les forces de sécurité iranienne se servent d’outils de localisation spéciaux pour identifier les comptes suspects. Si tout le monde devient un Iranien sur Twitter, cela brouillera davantage les pistes.
Et surtout, ne jamais diffuser publiquement une source iranienne que vous auriez déniché. Dans la mesure où beaucoup risquent leur vie pour envoyer des informations au reste du monde, il serait regrettable de griller leur couverture parce que vous étiez trop enthousiaste de participer à ce mouvement. Comme l’indique Cory Doctorow et Yishay, « les gens meurent vraiment-là bas« .
L’Histoire s’écrivait, maintenant elle se twitte.
Les avertissements fusent tout autant sur le réseau : par exemple, ne pas retwitter (= rediffuser) une information pouvant compromettre la sécurité d’un Iranien qui a la possibilité de communiquer sur Twitter. C’est que le bonhomme risque sa vie, alors il n’est pas forcément judicieux de diffuser à tout va son nom ou pseudonyme en voulant faire du zèle de révolutionnaire… les Twitters internationaux envoient des messages de sympathie ou cherchent à mettre en place des contre-mesures : certains essaient d’attaquer des sites web officiels ou partisans à coup de DDoS. Bref, c’est un véritable foisonnement de solutions et d’informations
En fait, pour prendre bien la mesure des choses, il faut savoir que le Département d’Etat américain est allé jusqu’à demander à Twitter de reporter une maintenance critique du réseau pour permettre à l’information de continuer à circuler, notamment entre Iraniens. Demande d’ailleurs acceptée par les administrateurs du site, puisque la maintenance était initialement prévue la nuit dernière. Qui aurait cru qu’un département aussi puissant que le Département d’Etat allait considérer un réseau social limitant les messages à 140 caractères comme l’un des meilleurs vecteurs pour soutenir les profonds mouvements qui secouent l’Iran depuis quelques jours ? Il y a à peine deux ans, ça aurait été sans doute inconcevable.
D’ailleurs, selon le journaliste de CNN Anderson Cooper, le gouvernement américain serait en relation avec plusieurs réseaux sociaux et sites communautaires (sans doute YouTube, Flickr, Facebook) pour s’assurer que le flot d’information en provenance d’Iran n’est pas interrompu. Car si une implication trop marquée de la Maison Blanche à travers les médias officiels serait certainement contre-productive, il n’en demeure pas moins que Washington prend les choses au sérieux en suivant les derniers développements de très près. Et puis les USA n’ayant pas de relations diplomatiques formelles avec l’Iran, c’est une façon intelligente de soutenir la protestation sans intervenir officiellement, tant en restant au plus près de l’évolution sur le terrain.
À croire que ceux qui font et relaient l’information ne sont plus les journalistes et les médias, mais les internautes et les (micro-)bloggueurs.
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