Alors que la question de la gouvernance d’Internet est un débat majeur pour l’avenir du Réseau des réseaux, l’ICANN a désormais un nouveau patron et il est Américain. Cette nomination révèle à nouveau l’intention des USA de garder le contrôle sur Internet, pour des raisons à la fois politiques et économiques.

Lors d’une réunion à Sydney, l’ICANN (Internet Corporation for Assigned Names and Numbers) a nommé son nouveau président. Il s’agit de Rod Beckstrom, l’ancien directeur du Centre National de la CyberSécurité aux États-Unis (NCSC). Créée en 1998, l’ICANN est une organisation internationale sans but lucratif dont le rôle premier est d’allouer l’espace des adresses de protocole Internet (IP), d’attribuer les identificateurs de protocole, de gérer le système de nom de domaine de premier niveau pour les codes génériques (gTLD) et les codes nationaux (ccTLD), et d’assurer les fonctions de gestion du système de serveurs racines.

Remplaçant l’Australien Paul Twomey, l’arrivée de Rod Beckstrom suscite des réactions variées. Pour le directeur général adjoint de l’AFNIC, l’instance chargée des noms de domaine en .fr, la nomination d’un expert en sécurité « est un message fort des Etats-Unis montrant que l’ICANN fait partie de leur dispositif de sécurité« . En effet, alors que la compétence de l’ICANN est mondiale et s’impose à tous les États du globe, cette organisation est soumise au droit californien, c’est-à-dire qu’elle relève de l’autorité au ministre de la Justice et au département américain du commerce. En revanche, le directeur général d’Indom, Van Gelder, estime que « le choix de ce candidat-là, avec ses contacts forcément privilégiés au sein de l’administration américaine, est peut-être le moyen d’avoir des négociations un plus utiles et proches« .

Même son de cloche pour le CEO de Google, Eric Schmidt. Ce dernier estime que le choix de Rod Beckstrom sera l’occasion d' »orienter le rôle toujours plus radical d’Internet dans notre société« . Du côté de Vint Cerf, le « père d’Internet, l’expérience de Beckstrom dans ce domaine et ses rapports avec les pouvoirs publics devraient l’aider dans ses nouvelles attributions.

Lié par contrat au gouvernement américain jusqu’au 30 septembre 2009, plusieurs États ont souhaité que l’ICANN passe sous contrôle des Nations-Unies. Ainsi, l’Union européenne a réaffirmé récemment la nécessité d’internationaliser la gouvernance d’Internet, afin de ne pas laisser le Réseau des réseaux dans les mains d’un seul pays, aussi puissant soit-il. Pour la Commission européenne, il est essentiel que l’ICANN « rende des comptes à la communauté Internet dans son ensemble et pas à un seul gouvernement« .

Ainsi, même si officiellement cette nomination s’est faite avant tout sur des critères professionnels et sur une expérience pointue dans le domaine, l’arrivée de Rod Beckstrom montre malgré tout la volonté du gouvernement américain de garder le contrôle de l’ICANN pour des raisons politiques et économiques, malgré les appels à une transformation de l’instance par l’Union européenne et l’ONU.

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