Au détour d’une interview accordée au Monde, le vice-président de Google chargé du développement et de la direction juridique du groupe, David C. Drummond, a donné son avis sur la vision et l’application du droit d’auteur en France par rapport aux Etats-Unis. Paradoxalement, il estime que c’est aux USA où Hollywood et les grands lobbys du droit d’auteur règnent sur la planète que le copyright est moins néfaste à l’innovation.
« Il est clair qu’il y a des différences d’approches. Prenez l’exemple de notre produit « Recherche de livres » (Book search). Il repose sur le concept de fair use (« usage acceptable »), qui n’existe pas en France« , explique Drummond. « Il repose sur l’idée que ce que vous faites ne se substitue pas à l’œuvre. Vous ne la consommez pas de la manière prévue, mais vous l’utilisez dans un autre but. Aux Etats-Unis, ce concept a permis beaucoup d’innovations qui ont profité à l’ensemble de la société. On peut dire sans exagérer qu’outre-Atlantique, les compagnies qui ont été créatives, de Yahoo ! à Google, en passant par eBay ou encore YouTube, doivent une large part de leur succès à ce régime légal« .
A contrario, il faut donc comprendre que la France et l’Europe n’auront pas de géant des nouvelles technologies tant qu’elles continueront de placer le droit d’auteur sur un tel piédestal que rien ne peut être fait des œuvres sans que les ayants droit portent plainte et réclament leur part du bénéfice réalisé. « Quand nous numérisons les livres qui ne sont pas dans le domaine public, nous ne montrons pas réellement leur contenu, mais simplement le sommaire ou quelques extraits. Pour nous, c’est un usage acceptable ; pas en France, où nous ne scannons pas de livres pour cette raison« , regrette le cadre de Google.
« Nous comprenons très bien que la protection des œuvres de création est importante. Mais nous pensons aussi qu’il est important pour la société de parvenir à un meilleur équilibre entre la protection des auteurs et le fait de donner au public la possibilité d’innover en utilisant des travaux se trouvant dans la sphère publique« , explique Drummond. « Introduire le concept de fair use dans la législation française sur le droit d’auteur serait un développement positif« .
Les ayants droit français, très puissants dans leur lobbying, freineront toutefois des quatre fers une telle innovation législative, au nom de « l’exception culturelle française » qu’ils opposent sans cesse au copyright à l’américaine qu’ils jugent moins protecteur des auteurs et davantage des multinationales. Mais avec sa décision sur la loi Hadopi, qui juge que le droit d’auteur n’est pas supérieur aux droits de la société civile, le Conseil constitutionnel ouvre la porte vers une évolution législative plus proche de l’idée d’un fair use à l’américaine.
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